Reprise d'une production maison datée de 2006, la liberté de jeu de cette Zauberflöte - signée par le duo Patrice Caurier et Moshe Leiser - nous a paru comme inextinguible, et l’ingéniosité des deux hommes de théâtre ne se révèle, de fait, jamais à court. Ils placent leur travail sous le signe et le regard de l’enfance, reléguant au second plan les références métaphysiques et maçonniques de l’ouvrage : c’est bien un conte de fée qu’ils nous donnent à voir ici. Les images naïves, drôles ou touchantes se succèdent les unes après les autres. On se rappellera ainsi longtemps des animaux dansant autour de Tamino, charmés par sa flûte, des Trois Dames habillées façon corsaire, de Pamina s'envolant avec les Trois Génies dans les airs, retenus par des filins, ou encore de Papageno libérant des colombes sur le plateau ou quittant la scène à quatre pattes, une table pleine de victuailles sur le dos...
Ce sentiment de vie et de bonheur est renforcé par la jeunesse de l'équipe. Bien que très homogène, la distribution est dominée par le baryton suisse Ruben Drole, Papageno réjouissant de naturel et débordant de sympathie. Doté d'une voix large et généreuse - relayée par une diction parfaite -, il évolue avec la même facilité dans le chant que les dialogues parlés. Son chant stylé trouvera sa récompense dans la délicieuse Papagena de l'allemande Mirka Wagner, au jeu plein d'aisance. De son côté, la soprano russe Olga Pudova incarne une Reine de la nuit irréprochable, apparemment très à l'aise dans ce rôle périlleux et plutôt ingrat, auquel elle donne toute la force et l'effroi nécessaires. James Cresswell est le beau chanteur que l'on connaît déjà, qui chante Sarastro (sur des échasses !) avec beaucoup de simplicité, sans emphase, en se gardant bien d'en faire un père du Savoir et de la Connaissance, pour incarner plutôt un être troublé et inquiet, en proie au doute.
S'il s'avère techniquement impeccable, le ténor islandais Elmar Gilbertsson – pour Stanislas de Barbeyrac initialement prévu – nous semble, en revanche, hors propos dans le répertoire mozartien, et sa voix surpuissante - qui nous a maintes fois percé les tympans au cours de la soirée - serait plus à son affaire dans le registre wagnérien (Lohengrin, Tannhaüser), auquel il ne manquera pas de venir. Sa Pamina, la soprano suédoise Marie Arnet offre un timbre charnu, au phrasé raffiné et musical : la voix révèle une certaine ampleur qui devrait évoluer promptement, elle aussi, vers des emplois plus lyriques.
Les trois dames (Katia Velletaz, Emilie Renard et Ann Taylor) forment un trio racé, dont les timbres, fortement différenciés, se marient pourtant à la perfection, quand les Trois Génies s'avèrent, eux, franchement insuffisants. Enfin, Eric Huchet est un Monostatos intelligemment nuancé, Tyler Duncan se montre excellent dans les interventions de l'Orateur, tandis que les deux Hommes d'armes (Gijs Van der Linden et Guy-Etienne Giot) s'acquittent très honorablement de leur partie.
Régulièrement invité à Angers Nantes Opéra, le chef anglais Mark Shanahan dirige avec la fermeté, la vigueur et le sens de l'équilibre qu'on lui connaît - même si sa battue manque parfois de solennité, comme dans la scène avec l'Orateur, ou durant les épreuves.
Une production dont le charme a opéré et dont on est sorti tout guilleret...
Die Zauberflöte à Angers Nantes Opéra, jusqu'au 17 juin 2014
Crédit photographique © Jef Rabillon
02 juin 2014 | Imprimer
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