L'Egisto de Cavalli au Grand-Théâtre de Luxembourg

Xl_egisto © Pierre Grosbois

Après avoir été présenté à l'Opéra Comique, puis à l'Opéra de Rouen, la saison passée, c'est au Grand-Théâtre de Luxembourg – troisième ville coproductrice du spectacle – que l'Egisto de Pier Francesco Cavalli a enfin accosté. Nous étions très impatient de retrouver Vincent Dumestre et Benjamin Lazar qui ont notamment signé ensemble un légendaire Bourgeois Gentilhomme (au Théâtre Royal de Versailles) en 2005, et un non moins triomphal Cadmus et Hermione de Lully (à l'Opéra Comique) en 2008.

Avec autant de gourmandise que d'inventivité, le jeune et talentueux metteur en scène français s'empare du chassé-croisé amoureux - riche en rebondissements et en interventions divines - qui constitue la trame de l'ouvrage de Cavalli, pour en proposer une lecture théâtrale - emplie de références picturales et architecturales - particulièrement poétique. Avec sa décoratrice Adeline Caron, il a inventé un décor unique, celui d'un temple d'Apollon, harmonieusement vieilli et monté sur une tournette, pour camper le manège sentimental imaginé par le librettiste Giovanni Faustini. L’éclairage à la bougie, marque de fabrique de Benjamin Lazar, ne parvient malheureusement pas cette fois à illuminer suffisamment le plateau, et toute l'action se déroule ainsi dans une forte pénombre qui nuit à l'attention des spectateurs, dont on a vu un bon nombre s'assoupir - à cause de cela pensons-nous – au fur et à mesure de la représentation. C'est d'autant plus dommage que l'équipe de chanteurs-acteurs réunie ce soir s'avère formidable, et rend honneur à cette partition foisonnante, qui alterne récitatifs et airs aussi nombreux que variés.

Dans le rôle-titre, Marc Mauillon fait valoir une admirable variété de déclamations, de couleurs et d’intentions. Il apporte à ce personnage - dont les souffrances amoureuses constituent la seule personnalité - son émission claire, sa voix bien projetée et son timbre chaleureux : son Egisto captive autant qu'il bouleverse, notamment dans le magnifique air « Rotto ha il nodo ». De son côté, Claire Lefilliâtre campe une Clori mutine, déploie des aigus lunaires, et ravit au moyen d'ornements fins et virtuoses, qui traduisent à la perfection la coquetterie de ce personnage versatile. Quant à la partie de Lidio, elle échoit au ténor belge Reinoud Van Mechelen, au chant noble et à la voix délicate. D’abord hésitant, Cyril Auvity trouve finalement ses marques dans le rôle d'Hipparco, auquel il confère une certaine ardeur virile, tandis que l'excellente mezzo française Isabelle Druet incarne une Climene écorchée vive, pour laquelle elle déploie un chant âpre et rageur. Dans les rôles secondaires, on retiendra surtout la soprano portugaise Ana Quintans (Amore) qui gratifie l'auditoire de sa voix ample et souple à la fois, ainsi que le ténor Serge Goubioud, qui tient avec beaucoup de vérité le rôle de Dema, sorte de duègne moralisatrice qui sert de caution humoristique à l’opéra.

Enfin, à la tête de son Poème HarmoniqueVincent Dumestre captive par le raffinement poétique, l'ardeur secrète et la vérité tragique qu'il parvient à insuffler à la partition de Cavalli, qui représente incontestablement un jalon fondamental dans la carrière du compositeur vénitien.

Emmanuel Andrieu

Egisto de Cavalli au Grand-Théâtre de Luxembourg

Les 5 & 7 décembre 2013

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