La ville de Lyon prévoit de retirer 500 000 euros à l'Opéra

Xl_operaarchitecture-1500 © DR

Depuis quelques jours, on entend grogner à Lyon, tant de la part des lyricomanes que des médias locaux. En effet, un nouveau coup dur menace l’Opéra National de Lyon, pourtant étendard emblématique de la ville des Lumières : la municipalité a pour projet d’amputer le budget de la maison lyrique de 500 000 euros (sur un budget total de 7,5 millions). Une annonce qui rappelle le triste épisode des Musiciens du Louvre à Grenoble il y a quelques années, et qui survient alors que l’opéra fait face à une crise sans précédent due à la fermeture des salles et à la situation sanitaire qui dure depuis un an maintenant.

Il est vrai qu’en cette période troublée, où le Gouvernement multiplie les aides et les promesses d’aides financières, on ne s’attendait pas à ce que les représentants politiques locaux en prennent le contre-pied en retirant une somme importante à une maison lyrique d’une telle ampleur, dont le rayonnement national et international a plusieurs fois été salué. Or, Nathalie Perrin-Gilbert, adjointe à la culture, entend « réduire de 3% l'aide de la ville » à l’opéra (le calcul de l'élue tient compte des mises à disposition de personnel municipal évalué à 10 millions d'euros, en plus du budget de l'opéra de 7,5 millions), alors même que le budget pour l’année 2021 (déjà entamée) a été voté « à l’unanimité le 11 décembre 2020 par l’assemblée générale de l’Opéra, en présence de l’adjointe à la culture et de l’ensemble des partenaires publics », ainsi que le rappelle Serge Dorny, qui dénonce une « idéologie anti-opéra que semble sous-tendre cette décision », avant d’ajouter : «  Cette baisse annoncée surprend et pose la question de nos assemblées délibérantes et du débat démocratique ».

Il faut rappeler ici que l’ensemble des subventions allouées à l'Opéra par la Ville de Lyon s'élève au total à 18 millions d'euros, et que c’est celle dédiée au fonctionnement de l'établissement qui passerait de 7,5 à 7 millions d’euros, ce qui va « forcément fragiliser et réduire les projets artistiques, culturels et sociaux mis en œuvre par l’Opéra de Lyon dans la cité, en métropole et en région », d’autant plus que « l’Opéra de Lyon est un des plus importants employeurs culturels des artistes et techniciens de la région Auvergne-Rhône-Alpes », selon les mots de Serge Dorny. De son côté, Nathalie Perrin-Gilbert rappelle que « nous avons décidé de baisser cette subvention notamment au regard de la situation économique de l'Opéra, moins que d'autres structures lyonnaises impacté par la crise du Covid, parce qu'un certain nombre d'aides exceptionnelles lui ont été allouées, notamment par l'État. C'est une grande institution qui est plus en situation de vivre cette période de crise sanitaire, (…) avec son budget de 38 millions d'euros par an et avec les bâtiments mis à disposition, (elle) a tout à fait les moyens de continuer à être un équipement d'excellence ».

Bien que la mairie de Lyon explique que ces 500 000 euros seront réutilisés en faveur de l'émergence de la création, l’actuel directeur s’étonne là aussi que « l’adjointe à la culture justifie cette baisse en faveur de l’accompagnement de la création et de l’émergence, alors qu’en retirant 500 000 euros à l’Opéra de Lyon, elle supprime une part de création et d’émergence au lyrique, au chorégraphique et aux musiques transversales de notre institution ». Quant à Richard Brunel – qui prendra ses fonctions à la tête de l’institution en septembre –, il se dit surpris de voir que « cette décision semble acquise alors même qu’elle n’a pas été débattue au conseil municipal. Cela est surprenant quant à la méthode. Je peux dire que si cette mesure devait être confirmée, elle aurait inévitablement des impacts conséquents sur le projet de création et d’ouverture que je veux porter à l’Opéra de Lyon ».

Il est vrai que même si l’adjointe et certains semblent parler de cette mesure comme étant déjà acquise, elle doit avant tout être soumise au vote à la fin du mois, lors du conseil municipal des 25 et 26 mars, scellant ainsi l’avenir de l’Opéra national de Lyon pour qui la Ville est le principal acteur économique. Une telle menace a bien sûr déjà entraîné de vives réactions, y compris politiques, d’autant plus que celle-ci suit une autre décision qui n’a fait qu’accroître l’impopularité de l’équipe municipale au sein de la ville. Le sénateur Etienne Blanc (également élu au conseil municipal de Lyon) déclare ainsi : « Cette décision est un premier pas vers l’idéologie des Verts et de l’extrême-gauche en matière culturelle et une participation à l’affaiblissement de Lyon. Après la rééducation du goût*, nous passons à la rééducation culturelle des Lyonnais ! (…) Ca va être un bouleversement, une révolution dans les politiques culturelles lyonnaises. L'Opéra de Lyon a une renommée mondiale. Diminuer le budget de cette institution, c'est évidemment remettre en cause cet équipement phare de la politique culturelle », « C'est la volonté de détruire l’excellence pour aboutir à une certaine uniformité. On considère que l'opéra est quelque chose de trop classique, pour un certain nombre de contestataires. On considère aussi que l'opéra s'adresse à une élite, ce qui n'est pas vrai. La politique affichée est une politique qui veut réduire l'élite ». Ce que réfute Nathalie Perrin-Gilbert : « J'aime beaucoup cet art et j'ai le plus profond respect pour les musiciens, les chanteurs lyriques et le ballet de l'Opéra. Après, l'Opéra fait l'objet – c'est un secret de polichinelle à Lyon – de plusieurs rapports de la Chambre régionale des comptes, qui demandent à la Ville de prendre un certain nombre de mesures vis-à-vis de cette association loi de 1901 ». Dans cette optique, la Ville devrait d’ailleurs demander un audit courant 2021 afin de faire le point sur les comptes et la gestion de l'association. Nul doute que se trouve dans la ligne de mire de l’élue locale l’épineuse question de la mise à disposition par la municipalité d’une partie du personnel, pour une valeur estimée à 10 millions d’euros, justement déjà pointée du doigt par la Chambre des comptes.

Le budget de l'Opéra de Lyon, grand navire que l'on pensait inébranlable, paraît donc menacé par des orages qui promettent quelques secousses. Il faudra néanmoins encore attendre pour connaître l'étendue des remous annoncés...

 

*en référence à la décision d’instaurer un menu sans viande dans les cantines scolaires

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