Le haute-contre français Mathias Vidal a le vent en poupe et reçoit d’unanimes éloges à chacune de ses apparitions sur scène ou en concert. On l’a entendu récemment à l’Opéra de Dijon dans Les Boréades de Rameau (rôle d’Abaris), et chante actuellement le rôle de Monostatos dans La Flûte enchantée de Mozart à l’Opéra Bastille (nous y avons assisté). C’était pour nous l’occasion de rencontrer ce chanteur aussi talentueux qu’éclectique dans ses choix artistiques, qui n’incluent pas seulement la musique baroque, mais aussi l’opérette ou encore le grand répertoire de la seconde moitié du XIXe.
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Opera-Online : Entre les Boréades en mars à Dijon, La Flûte enchantée en ce moment à l’Opéra Bastille et L’Orfeo de Monteverdi ce même mois au TCE, vous semblez avoir un agenda bien rempli ?
Mathias Vidal : Mon agenda est heureusement bien rempli et c’est toujours une grande chance pour les artistes lyriques que de pouvoir enchainer les projets… Nous ne sommes pas à l’abri non plus des périodes creuses. Pour ma part, ma famille me saute alors dessus avec enthousiasme. Dans ces moments, je suis exclusivement auprès des miens. Et je profite de la tribune que vous m’offrez pour encourager le public à découvrir le nouvel ensemble d’Emiliano Gonzalez-Toro au TCE à l’occasion de L’Orfeo qu’il va y diriger. Il est par ailleurs extraordinaire dans ce rôle (NDLR : il assure en même temps le rôle-titre et la direction d’orchestre). Je suis très fier de pouvoir être présent à ses côtés (NDLR : dans le rôle du Pastore), et je lui souhaite le meilleur pour la suite, ainsi que longue vie à son ensemble.
Ces grands rôles qui arrivent enfin marquent-ils un tournant dans votre carrière ? Etes-vous plus sollicité sur les scènes internationales ?
Je me suis surpris l’année dernière à découvrir en début de saison que je chanterai six rôles-titres sur sept productions d’opéra. Mais pour tout vous dire, je ne compte pas ni ne fais de statistiques. Je suis l’évolution de ma voix avant toute chose. Mon entourage professionnel, et en première ligne mes agents Olivier Beau et Hervé Le Guillou me poussent vers le haut, ainsi que les directeurs qui me suivent de longue date, et les nouveaux qui me font confiance. J’espère ne pas les décevoir et continuer grâce à eux à chanter de beaux rôles, qu’ils soient petits ou grands. Et je veux encore et encore remercier mon professeur de chant de toujours, depuis vingt ans maintenant, Christiane Patard, qui supporte tous les répertoires que je lui amène depuis toutes ces années. L’international a toujours été présent depuis mes débuts. Ce n’est pas un but ou une finalité en soi. Je trouve toujours le même plaisir à découvrir de nouveaux lieux où les passionnés donnent tout pour leur art.
Quels autres répertoires que ceux que l’on vous confie habituellement aimeriez-vous explorer, et quels rôles rêvez-vous d’incarner sur scène à l’avenir ?
A cette question, je vous mentirais si je ne vous disais pas que je souhaiterais chanter plus lourd, plus gros, plus loin, plus grand… bref les ouvrages au-dessus de mes capacités vocales. Mais c’est humain après tout ? Dans une moindre mesure, je pense que je pourrai un jour aborder des rôles représentatifs du grand répertoire comme Hoffmann, Mime, Loge, Nemorino, Roméo, Faust, Werther et tellement d’autres encore... Mais si on me disait que je devrais chanter exclusivement mes anciens rôles comme Abaris, Cinq-Mars, Der Zwerg, Orlando et les autres, alors je signerais tout de suite ! D’ailleurs, pour quelques-uns, ce sera le cas, mais je ne peux pas vous annoncer les saisons à venir avant les théâtres eux-mêmes…
La dimension théâtrale à l’Opéra vous plaît-elle et que pensez-vous des lectures dites « modernes » ?
Oui l’opéra est le lieu où un maximum de corps de métier se rencontrent et l’objet qui en résulte est le fruit de beaucoup de compétences, tout service confondu. Quand la magie opère, on flotte tous sur un petit nuage. Les lectures modernes me plaisent de plus en plus car, si c’est ce dont vous parlez, un plateau « dépouillé » laisse place aux corps des interprètes se mouvant dans l’espace scénique et met au centre la dramaturgie. Ces lectures interrogent, choquent, provoquent mais aussi peuvent revenir à l’essentiel. Dans tous les cas, c’est une expérience pour un interprète que de saisir l’univers d’un metteur en scène et puis c’est son boulot ! Mais une bonne mise en scène traditionnelle, bien faite, c’est comme rentrer à la maison après une longue absence.
Quels sont vos projets les plus attendus pour la prochaine saison ?
Tous mes projets sont attendus, voyons ! (rires) Et je ferais un affront aux théâtres que de privilégier certains projets plus que d’autres. C’est à chaque fois une aventure, étonnante parfois. Mais voilà, je vais tout de même donner un peu à manger à votre lectorat : nous allons fêter les 350 ans de l’Opéra de Paris avec Les Indes Galantes de Rameau, puis je vais aller faire un petit tour au TCE avec Les Noces de Figaro, chanter le rôle de Tamino à Avignon et Versailles, Les Boréades en concert, Platée à Toulouse, Le Couronnement de Poppée au TCE dans un nouveau rôle pour moi : après Arnalta et Lucain, ce sera l’autre nourrice que j’endosserai cette fois ! Il ne me manquera plus que Néron… un jour peut-être… Et puis je retournerai à Munich pour Orlando Paladino de Josef Haydn. Voilà, plein de beaux rôles en perspective, et il me languit de vivre toutes ces nouvelles aventures !
Propos recueillis par Emmanuel Andrieu
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