C’est un immense nom de la direction orchestrale que nous avons perdu hier, lundi 6 mars : Alberto Zedda, que nous avons eu la chance d’entendre en novembre dernier pour Ermione, s’est éteint à l’âge de 89 ans.
Né à Milan le 2 janvier 1928, Alberto Zedda étudie avec Antonino Votto et Carlo Maria Giulini dans la ville de sa naissance. C’est avec une œuvre de Rossini qu’il dirige pour la première fois en 1956, alors à la tête d’Il Barbiere di Siviglia. Le compositeur n’aura ensuite de cesse de marquer sa carrière et le maestro italien reste à ce jour l’un des grands chefs au service de Rossini, notamment lorsqu’il entreprit au milieu des années 1960 une édition intégrale de ses opéras, édition qui reste aujourd’hui une véritable référence pour les artistes et tous les amoureux du compositeur.
Un an seulement après sa première direction, en 1957, il remporte déjà le Concours international de direction d’orchestre de la RAI, lui ouvrant alors les portes des plus grandes institutions italiennes, telles que La Scala, Santa Cecilia, ou encore le Maggio Musicale Fiorentino, lançant par la même occasion sa carrière à l’international : les grandes scènes d’Europe l’accueille, mais aussi celles des Etats-Unis, du Moyen-Orient, de la Chine ou du Japon.
Il fut également directeur musical pour le répertoire italien au New York City Opera et Alberto Zedda était membre du Comité de la Fondazione Rossini depuis sa création. Il a également été directeur musical du Festival della Valle d’Itria de Martina Franca, et conseiller ou directeur artistique du festival Mozart La Coruña, du Teatro Carlo Felice de Gênes et du Teatro alla Scala de Milan, ainsi que du Festival baroque de Fano. Il a également dirigé le Cygne de Pesaro entre 2000 et 2004. Président d’honneur de la Deutsche Rossini Gesellschaft, il dirigeait encore l’académie du Festival Rossini de Pesaro, où il formait de jeunes chanteurs. Son désir de transmission se traduisait également dans les différentes masterclasses qu’il donnait dans le monde entier. Il a d’ailleurs enseigné l’histoire de la musique à l’Université d’Urbino, est resté quelques années au Cincinnati College of Music, et publié diverses éditions critiques d’opéras, d’oratorios et cantates, s’attardant bien entendu davantage sur l’oeuvre de Rossini. Il déclarait par ailleurs :
« J’ai doucement réalisé qu’il y avait dans cette musique – qui à mes yeux n’existait même pas – une force de chant qui est peut-être la plus poétique, l’extrême possibilité où l’interprète est aussi créateur, où il a l’occasion de participer, de donner vie à la musique et ne se contente pas d’en être le médium. Honnêtement, pour Verdi et Puccini, il suffit de bien chanter, de suivre sagement les indications du compositeur et tout est prévu pour que ça marche. L’orchestre peut être modeste, les chanteurs peu talentueux et le chef sans inspiration : Verdi et Puccini vous feront quand même pleurer. Dans l’opéra romantique, l’émotion se situe toujours aux mêmes endroits, on en connaît par cœur toutes les ficelles : le public sort ses mouchoirs au moment voulu. Rossini offre des degrés d’émotion très différents, c’est une émotion résolument plus intellectuelle, moins épidermique, elle ne saisit pas la chair et le sang des spectateurs, c’est une des choses qui m’a tout de suite interpellé. » (propos repris par Pierre Jaquet dans les Arts Scènes à l’occasion du Barbiere di Siviglia donné à Genève en septembre 2010).
Toutefois, comme tout grand maestro, Alberto Zedda ne se contentait pas d’un seul univers musical : en plus de son amour de Rossini et de son travail autour de l’opéra romantique italien, il a abordé d’autres esthétiques, et a travaillé, entre autres, sur le Couronnement de Poppée et ses écrits continuent à faire autorité – nous y pensons plus particulièrement alors que la production de l’Opéra de Lyon arrive à grands pas.
Malgré ce riche travail d’un grand intérêt, son nom restera pour longtemps attaché à celui de Rossini qu’il n’a jamais cessé d’aimer et de servir merveilleusement :
« J’ai toujours exercé ma profession avec enthousiasme et passion, des qualités qui, les années passant, me paraissent toujours plus essentielles ; même si le doute et la fatigue me saisissent parfois, ces valeurs prennent toujours plus de force en moi. Pour ce qui est de Rossini, plus le temps passe, plus je suis amoureux et passionné par lui ; j’essaie de le comprendre toujours mieux, ainsi que l’esprit de la culture de son temps. »
07 mars 2017 | Imprimer
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