© Puccini – Opera Meets New Media
Comment expliquer la popularité de Puccini ? Par sa musique, évidemment, mais peut-être pas seulement. Le compositeur et son éditeur Ricordi ont su exploiter les nouveaux médias de l’époque pour assurer la promotion de ses opéras. C’est ce que met en lumière de façon étonnante l’exposition multimédia Puccini – Opera Meets New Media au musée de la Scala.
Avec La Bohème, Tosca, Madame Butterfly ou encore Turandot, Giacomo Puccini se classe parmi les compositeurs d’opéras les plus populaires et les plus interprétés sur scène encore aujourd’hui – en 2024, année du centenaire de sa disparition, on aurait dénombré 970 productions différentes de ses œuvres, pour plus de 2800 représentations à travers le monde. Comment expliquer une telle popularité ? Evidemment par sa musique ou l’intensité dramatique de ses œuvres, mais peut-être pas uniquement.
Un marketing publicitaire avant l'heure
C’est la thèse défendue par l’exposition multimédia Puccini – Opera Meets New Media (Puccini – l’Opéra rencontre les nouveaux médias) qui doit arriver au musée de la Scala à Milan ce 24 octobre et y rester jusqu’au 12 janvier 2025. Notamment sur la base de documents issus de l’Archivio Storico Ricordi (liée au label Casa Ricordi), l’exposition illustre comment le répertoire de Puccini s’est imposé auprès du public notamment grâce à une exploitation efficace des médias de l’époque, voire comment une forme de marketing a imposé les opéras de Puccini auprès du public.
Orchestrée par le directeur scientifique de l'Archivio Storico Ricordi, Gabriele Dotto, et les musicologues Christy Thomas Adams et Ellen Lockhart, l’exposition se focalise sur un tournant historique dans le monde de l'opéra et des industries culturelles.
L’introduction précise : « au début du XXe siècle, le monde connaît une transformation sans précédent. Les nouvelles technologies, considérées jusqu'à quelques années auparavant comme de simples curiosités, deviennent partie intégrante de la vie quotidienne de la société occidentale. Le gramophone, par exemple, introduit la musique et le théâtre directement dans les foyers, bouleversant l'expérience de l'écoute et de l'appréciation d'un genre comme l'opéra. Puis plus tard, la démocratisation du cinéma. Giacomo Puccini, un compositeur établi destiné à devenir le plus célèbre compositeur d'opéra vivant et l'un des plus grands succès commerciaux de Casa Ricordi, s'est trouvé, lui et son éditeur, au carrefour de ces changements capitaux. Quel sera l'impact des défis de la modernité sur l'édition, sur les droits d'auteur, sur le spectacle vivant ? Il fallait les aborder avec créativité et les accueillir comme des occasions de rapprocher un public toujours plus large et varié de l'univers du mélodrame ».
Grâce aux fonds de l'Archivio Storico Ricordi, l’exposition et ses installations décrivent comment la marque « Puccini » s’est progressivement imposée auprès du public : grâce aux affiches, posters et cartes postales, aux objets promotionnels (on trouve par exemple de la vaisselle inspirée de ses opéras). De même, le compositeur et son éditeur ont su se saisir de la démocratisation du disque et du gramophone, puis du cinéma (les opéras de Puccini ont été adaptés sur grand écran, parfois accompagnés de musiciens en live). Et alors que cette industrie de la copie musicale émerge, Puccini et Ricordi profitent aussi des lois européennes sur le droit d'auteur (réclamées de longue date par Ricordi) pour prendre des mesures visant à interdire les reproductions non autorisées. Enfin, à l’image des tournées de promotion des stars d’aujourd’hui, Puccini voyageait déjà pour assurer la promotion de ses œuvres (notamment aux Etats-Unis), tout en étant suivi par la presse et développant son image de compositeur mondain.
Puccini sous le prisme des nouvelles technologies
Et l’exposition ne se limite pas aux médias contemporains du compositeur. Elle exploite aussi les technologies d’aujourd’hui pour éclairer d’un nouveau jour le travail de Puccini. Parmi les documents inédits dévoilés dans l’exposition, on y découvre par exemple les esquisses du duo final de Turandot que le maestro a laissé inachevé avant sa mort.
Selon Gabriele Dotto, « elles n'ont jamais été montrées en public auparavant, ce qui les rend tout à fait particulières. Elles sont captivantes à plus d'un titre : les spécialistes de la musique seront intrigués par leur aspect d'une complexité insondable ; les compositeurs souriront en reconnaissant le chaos apparent de ces « notes privées » ; mais tous les visiteurs seront touchés par un aperçu de ces derniers vestiges du processus de composition d'un grand compositeur ».
On y trouve aussi des esquisses des décors des créations des opéras du compositeur (notamment Turandot), ici modélisées en 3D et animées grâce à l’intelligence artificielle pour leur donner vie telles que Puccini pouvait les imaginer. Pierluigi Ledda, le directeur de l’Archivio Storico Ricordi, précise le processus ayant motivé cette recréation : « le développement des décors de Turandot grâce à l'IA est un exemple très fort de reprise des archives par le biais des technologies actuelles. Il ne s'agit pas d'un simple exercice technique, mais de la volonté de rapprocher une perspective artistique contemporaine de notre patrimoine et, d'une certaine manière, d'encourager le dialogue. Pour nous, les archives ne sont pas seulement le dépôt de reliques importantes du passé, c'est une matière vivante capable de mettre en lumière des éléments historiques issus du monde de la musique et de la créativité en général. Des applications comme celle de Turandot nous aident à imaginer ce que les archives peuvent nous dire à nous, contemporains, aujourd'hui et à l'avenir ».
Parallèlement à l’exposition au musée de la Scala, une série d’événements est également organisée à Milan (notamment à la Cineteca di Milano qui programme des films et masterclasses consacrés au compositeur). Le contenu de l’exposition se dévoile également en ligne, sur un site Internet.
publié le 22 octobre 2024 à 08h53 par Aurelien Pfeffer
22 octobre 2024 | Imprimer
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