Ce n'est que quatre heures avant la première des Noces de Figaro de Mozart qu’en mars dernier, on lui a demandé avec insistance de remplacer la chanteuse initialement annoncée et contrainte de renoncer au rôle pour raison de santé. En dernière minute, Maria Nazarova a ainsi accepté de remplacer sa consœur et a chanté depuis la fosse d'orchestre, sauvant cette soirée de première au Wiener Staatsoper. Et au terme de la soirée, elle était acclamée par le public, et encensée par la direction de l’Opéra et les critiques. « C'était assez stressant, car je n'avais participé à aucune répétition, ni scénique ni musicale, et je n'avais eu auparavant qu'une conversation d’une dizaine de minutes avec le chef d'orchestre Philippe Jordan sur les tempos prévus. Tout s'est néanmoins bien passé », raconte la soprano russe de 35 ans, née dans l'actuelle Ukraine, mère d'une fille de trois ans, et qui trouve tout simplement horrible la guerre qui se déroule actuellement dans son ancien pays.
Enfant déjà, elle chantait avec enthousiasme. Selon la soprano, sa mère a identifié très tôt son goût pour la musique et ses qualités vocales, et lui a trouvé un professeur particulier dès l'âge de quatre ans. « Déjà à l'époque, je n’imaginai pas autre chose que de devenir chanteuse ! Et très tôt, j'ai fait le grand rêve de pouvoir un jour chanter au Wiener Staatsoper ». Un rêve qui se réalisera. Car après des études de chant à Moscou qu'elle a commencées à 17 ans et où elle a également étudié le piano et l'art dramatique, puis un cursus poursuivi au Mozarteum de Salzbourg, Maria Nazarova arrive à Vienne en 2013, où elle poursuit ses études et devient membre de l’ensemble de l’Opéra d’État de Vienne dès 2015. Elle y a rapidement chanté de nombreux rôles de son répertoire comme Adele (La Chauve-Souris), Adina (L'elisir d'amore), Lisa (La Sonnambula), Musetta (La Bohème), Sophie (Werther), la Frasquita de Carmen, ou encore Despina dans Cosi fan tutte. Et elle est plutôt sollicitée : « Récemment, j'ai même dû chanter cinq fois en une semaine ! » Maria Nazarova s'est également produite au Festival de Salzbourg (Papagena), à Tokyo, Lyon, Aix-en-Provence, Berlin ou encore Florence.
Et la soprano est rapidement devenue la « remplaçante de service ». À plusieurs reprises, Maria Nazarova a dû « sauver » des productions : elle mentionne La Cenerentola, un opéra pour enfants ou lors d'un concert de Lieder de Brahms. Et pas seulement à Vienne, mais aussi à la Scala de Milan, à Stuttgart (Adele), à Hambourg (Adina) et on pourrait multiplier les exemples.
Encore maintenant au festival Klassik im Burghof à Klagenfurt en Carinthie, elle doit remplacer au pied levé Olga Peretyatko lors du concert de samedi prochain. Avec son mari Grigory Shkarupa, elle chantera des duos et des arias. « En grande partie, nous avons conservé le programme initial et n'avons remplacé que trois airs. Je chanterai des airs de Pamina et de Musetta ainsi qu'un air russe ».
« J'adore faire des remplacements, mais je préfère néanmoins quand je peux préparer un rôle et une production tranquillement, pendant plusieurs semaines », comme ce fut le cas récemment pour Dialogues des Carmélites de Francis Poulenc, où elle a chanté Constance (on en rendait compte, en allemand).
Parmi ses prochains projets, on retrouvera notamment Maria Nazarova à l’Opéra d’État de Vienne dans La Sonambula de Vincenzo Bellini, Le grand Macabre de György Ligeti, Guillaume Tell de Gioacchino Rossini avec Juan Diego Flórez, ainsi que dans les rôles de Frasquita (Carmen) et Musetta (La Bohème), mais aussi à la Scala de Milan dans l'opéra baroque L'Orontea d'Antonio Cesti.
traduction libre de l'article (en allemand) de Helmut Christian Mayer
19 juin 2023 | Imprimer
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