En novembre dernier, l’Opéra de Lyon donnait son désormais traditionnel opéra en version de concert en coproduction avec le Théâtre des Champs-Elysées. Toutefois, des changements de distribution avaient été opérés peu de temps avant : le rôle de Foresto initialement attribué à Riccardo Massi s’était finalement vu confié à Massimo Giordano tandis que Dmitry Ulyanov qui devait interpréter la rôle-titre avait été remplacé par Erwin Schrott qui avait totalement su nous convaincre (lire notre chronique). Etrangeté de cette année, cette version de concert était reprise dimanche 18 mars comme troisième opéra du festival annuel de l’Opéra de Lyon, aux côté de Don Carlos et de Macbeth.
Si la sonorité de l’Auditorium de Lyon (où était donné le concert) est moins flatteuse pour les voix que la salle de l'opéra, avouons que la réussite globale de la soirée fut renouvelée, à commencer par le jeune chef permanent Daniele Rustioni qui dirige les trois œuvres du festival à lui seul ! Une nouvelle fois, il apporte dynamisme et nuance à la partition de Verdi, donnant de sa personne avec ses sauts dignes parfois de Zébulon. Toujours à l’écoute, il manie avec art l’immense instrument complexe que forme l’orchestre de l’Opéra de Lyon, parfaitement unifié et homogène dans l’ensemble qu’il forme. Autre homogénéité à saluer, celle des chœurs, une nouvelle fois préparés par Barbara Kler qui, comme la dernière fois, a su tirer le meilleur de ces derniers, y compris dans la diction alors que le lieu de l’auditorium fait naître une dimension lointaine du son, presque la résonnance de voix sortant d’une caverne.
Côté solistes, les remarques ne changent pas énormément de la représentation de novembre, à quelques détails près : bien meilleur dans l’espace plus restreint du Théâtre de la Croix-Rousse lors de La Belle au bois dormant (lire notre chronique à ce sujet), le ténor Grégoire Mour (Uldino) pèche par son manque de projection toujours présent et finalement augmenté par le haut niveau de ses collègues, tandis que le Foresto de Massimo Giordano a gagné en clarté et en liaison dans le chant, offrant ainsi une belle interprétation. Pour sa part, Alexeï Markov sert le rôle d’Ezio assez bien, mais on note un son qui semble quelque peu rester en fond de palais ou dans le nez, ce qui n’empêche pas une belle ligne de chant. Dernier nom déjà présent, celui de Tatiana Serjan dont le timbre toujours aussi dévastateur ravit autant qu'en novembre, sans que cette fois le vibrato n’emporte tout sur son passage ! Magnifique de bout en bout, sa Odabella est un plaisir de nuances sans excès, de puissance tant dans l’aigu que dans le grave en passant par un medium de velours sombre.
Enfin, seul grand changement de ce concert, Dmitry Ulyanov qui reprend ici le rôle-titre qui lui était initialement dévolu. Si Erwin Schrott nous avait fait entendre un bel Attila, nous passons toutefois ici dans la gamme supérieure ! Non seulement le physique impose clairement l’empereur des Huns, mais la voix et la projection qui font surgir cette voix des profondeurs de la noirceur du barbare forcent le respect et l’admiration. Totalement investi dans son rôle, il rugit de rage lorsqu’il se trouve trahi, et le paradoxe du personnage, à la fois tyran et victime de sa clémence ici, se retrouve dans cette voix qui par son abysse souffle la glace mais amène aussi une chaleur profonde.
Au final, c'est une très belle reprise du concert donné en novembre qui apparaît presque comme le bis magistral des deux (autres) opéras donnés au festival.
20 mars 2018 | Imprimer
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