Vendredi (soit le 23 août) paraîtra chez Alpha Classics, dans la collection Château de Versailles, un disque consacré à Lully et plus précisément à son Dies Irae, son De Profundis et son Te Deum. En cette année 2019 marquant le 350ème anniversaire de l’Académie Royale de Musique dont le compositeur fut directeur de 1672 à sa mort, cet enregistrement d’un concert donné à la Chapelle Royale de Versailles en février 2018 apparait comme un bel hommage, servi avec talent sous la direction de Leonardo García Alarcón à la tête du Chœur de chambre de Namur, du Millenium Orchestra, de Sophie Junker, Judith van Wanroij, Mathias Vidal, Cyril Auvity, Thibaut Lenaerts et Alain Buet.
En effet, Jean-Baptiste Lully (né Giovanni Battista Lulli le 28 novembre 1632 à Florence) a particulièrement influencé l’art du grand motet – entre autre –, si emblématique du Grand Siècle. Ainsi que le rappelle le livret du disque, il « développa pour les grandes cérémonies de la cour un genre de motet d’apparat digne de célébrer dans un même éclat la gloire de Dieu et celle du roi ». L’éclat semble par ailleurs être le maître mot de cet enregistrement qui montre tout celui de cette musique particulière, miroitante, débutant ici dans des tempi particulièrement rythmés, marqués, quelque peu rapides, donnant un caractère presque entraînant à cette peinture pourtant sombre, rappelant les éclairs et le déluge. Le rythme s’adoucit toutefois, notamment dans les parties où s’expriment un soliste. Si tous offrent de belles prestations, avouons derechef que Mathias Vidal se démarque tout particulièrement avec un chant noble, clair et ambré parfaitement reconnaissable et identifiable. Malgré l’exercice de l’enregistrement, la voix s’élève et prend de la hauteur, se hissant sans effort apparent au-dessus des autres, sans pour autant oublier de se faire plus discrète et unie à l’ensemble lorsqu’il le faut. Ici encore, « tout sonne juste et clair », de même que lorsque nous l’avions entendu à Ambronay en octobre 2018.
Il ne faut pas pour autant oublier de saluer les performances de ses collègues qui offrent, ensemble, un moment délicieux avec le chœur et l’orchestre pour le « Lacrimosa » – étrangement orthographié « lacrymosa » dans le livret –, sorte de climax de ce Dies Irae. Ce véritable moment de suspension divine est suivi du « Pie Jesu Domine » qui comprend un « Amen » final d’une belle profondeur touchante, et c’est tout naturellement que l’on poursuit avec la deuxième œuvre du disque, le De Profundis, qui ne fait plus qu’un avec le Dies Irae tant l’enchaînement est harmonieux. Nous y entendons notamment Alain Buet dont la profondeur boisée du timbre nous guide dans celle du texte. A d’autres moments, comme lors du « Miserere » du Te Deum, la voix se montre souple pour mieux servir le chant et offre un spectre d’expressions des plus agréables. Ce « Miserere » qui annonce la fin de l’œuvre est d’ailleurs un autre beau moment du disque où voix masculines se rencontrent et se marient, virevoltantes les unes avec les autres, se séparant pour mieux se retrouver dans une danse aérienne apaisante avant que le « In te, Domine » ne vienne bousculer tout cela pour le finale plus énergique.
Cyril Auvity se fait lui aussi entendre lors du « Te Deum laudamus » avec d’aisés aigus, tandis que la voix de Thibaut Lenaerts n’est pas toujours aisée à reconnaître, de même que Sophie Junker et Judith van Wanroij dont les voix de sopranos ne sont pas toujours identifiables (d’autant plus que les voix masculines sont majoritairement présentes). Peut-être le livret aurait-il pu apporter une certaine lumière sur ces identifications, mais il s’agit là avant tout de l’enregistrement d’œuvres de Lully, et ce sont bien elles qui sont mises en avant, plus que les artistes servant avec maestria ces partitions. Le livret ne comporte d’ailleurs qu’une brève introduction replaçant succinctement les œuvres dans leur contexte et rappelant que c’est au cours d’une direction du Te Deum que le compositeur se donna le tristement célèbre coup de bâton sur le pied qui entraînera sa mort (suite à la gangrène née de ce coup). Quatre photos viennent illustrer le tout, dont deux de la Chapelle et de CMBV, en plus du texte en latin, anglais et français. Certes, la musique passe avant tout par les oreilles et la qualité de l’enregistrement ne se discute pas ici, mais l’attrait de l’objet est également esthétique et passe aussi par l’apport des informations que l’on peut y trouver. Sur ce point, peut-être aurait-on apprécié un certain approfondissement.
La musique reste toutefois la grande triomphatrice – et c’est bien l’essentiel – puisque en plus des solistes cités ci-dessus se trouvait présent le Chœur de chambre de Namur, magistral de bout en bout, d’une homogénéité exemplaire, portant ou s’alliant aux autres chanteurs, toujours en accord parfait les uns avec les autres mais aussi avec la musique. Elle est tout aussi merveilleusement exécutée par le Millenium Orchestra (la Capella Mediterranea étant indiqué en « continuo ») qui offre une amplitude d’exécution superbe, alliant passages sonores importants et imposants lors des parties instrumentales avec d’autres moments plus intimes et légers, laissant ainsi leur place aux voix en se faisant écho et/ou support aux différentes lignes de chant. L’équilibre n’est jamais omis, le rendu est à la fois souple et précis sous la direction de Leonardo García Alarcón qui insuffle sa lecture, toujours pleine de vie, intelligente et intéressante dans le respect de l’œuvre mise en avant.
Au final, un bel enregistrement pour les amoureux de Lully, du baroque en général ou bien de chacun des interprètes présents, mais aussi pour tout amoureux de musique, tout simplement.
21 août 2019 | Imprimer
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