Chronique d'album : Vivaldi, de Lea Desandre et Jupiter

Xl_desandre_jupiter © DR

Le 25 octobre dernier sortait chez Alpha Classics le nouveau disque de Lea Desandre que nous avions déjà beaucoup appréciée dans Berenice, che fai ? et Italian cantatas. Cette fois-ci, elle embarque auprès de Jupiter, jeune ensemble fondé par le luthiste Thomas Dunford et composé d’une dizaine de musiciens dont Jean Rondeau pour le clavecin, le but étant de « retrouver l’esprit de la musique de chambre dans le répertoire baroque ». Le titre, Vivaldi, indique derechef où nous partons…

Le départ de ce voyage se fait par « Gelido in ogni vena » de Farnace qui nous fait hisser les voiles en pleine tempête, tumulte des émotions qui s’entrechoquent dans cette partitions. Les instruments sonnent chacun de manière propre, faisant entendre sa voix comme chaque vague est distincte pour finalement se confondre avec la masse de la mer. Suit l’ « Armate face et anguibus » que la mezzo-soprano avait interprété il y a deux ans aux Victoires de la Musique, alors accompagnée par Les Accents. Point d’accalmie parmi les flots ici qui se déchaînent, formidablement embrassés par la cantatrice qui déverse une énergie folle que l’on avait déjà appréciée à l’époque.

Place ensuite au Concerto pour basson interprété par Peter Whelan, particulièrement entraînant dans son mouvement presto, mais le « Nisi Dominus » amène le calme de la nuit et le repos bien mérité, avant que le réveil ne se fasse au son de « Veni, veni me sequera fida ». Le Concerto pour violoncelle (avec Bruno Philippe) et le Concerto pour luth encadrent quant à eux un mélancolique « Vedro con mio diletto », air ô combien célèbre et maintes fois enregistrés. Certains des graves de Lea Desandre sont alors des souffles chauds, à peine émis et pourtant parfaitement audibles. Alors que le voyage touche à sa fin, nous nous reposons dans les bras de « Mentre dormi, Amor formenti », avant d’être brusquement éveillé par « Agitata da due venti ». Bien qu’il soit aujourd’hui indissociable pour nous de Kangmin Justin Kim imitant Cecilia Bartoli, nous redécouvrons avec plaisir cet air, parfaitement exécuté, déchaînant à nouveau les vents et les éléments dans un naufrage où nous sombrons avec délice. Les appogiatures et trilles l'agrémentent à souhait tout en restant solide, démontrant une maturité vocale et une technique impressionnantes pour le jeune âge de la chanteuse, portée par la fougue de l’ensemble. Enfin, une petite surprise nous attend dans ses profondeurs nouvellement gagnées, loin de Vivaldi, et invisible sur le programme du disque. Quant au livret, il faut bien avouer qu’il n’apporte guère d’informations malgré quelques notes et les traductions des airs chantés.

Le voyage est donc savamment orchestré sous la direction de Thomas Dunford qui mène son embarcation de main de maître, faisant vivre chacun des instruments sans jamais oublier l’unité des œuvres proposées ni la virtuosité et l’exigence qu’elles imposent. Un bel équilibre se dessine, tandis que la voix profonde de la mezzo-soprano sert d’exquises voiles à ce bâtiment maritime qui vogue vers des contrées vivaldiennes en nous proposant de prendre part au voyage.   

Elodie Martinez

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