Dimanche dernier, la soprano qu’on ne présente plus, Dame Felicity Lott, revenait à Lyon pour un récital de fin d’année, tout comme en 2014, où le public avait déjà pu l’entendre pour le 31 décembre. Une soirée suivie d’une séance de dédicaces autour de son livre.
Celle que l'Opéra de Lyon présente comme « la plus française des chanteuses anglaises », et dont le nom est souvent associé à l'étranger aux grands rôles mozartiens ou straussiens, a notamment marqué le coeur et l'esprit des amateurs d'art lyrique français pour son interprétation des grands rôles féminins d’Offenbach – sa Belle Hélène au Châtelet, par exemple, est aujourd’hui anthologique. Pourtant, si l'on associe volontiers Felicity Lott à des rôles légers, sans doute ne faut-il pas oublier non plus la sublime tragédienne qu’elle fut dans La Voix humaine mise en scène par Laurent Pelly en 2006/2007, ici-même, à l’Opéra de Lyon.
Rien d’étonnant donc à ce que le programme de cette soirée mêle répertoire sérieux et musique légère, mélodies et lieder d’une part, opérette et comédie musicale de l’autre. Encore moins étonnant en cette fin d’année : l’ouverture de la soirée est placée sous la signe de la Nativité avec Come, Sing and Dance de Herbert Howells. Si les premières secondes déstabilisent, Felicity Lott reprend vite ses marques et laisse alors entendre cette voix qui a fait sa renommée. A 70 ans passés, la soprano n’a rien perdu de son énergie, de la clarté ou de la ligne de son chant. Dès les premiers mots, la diction est exemplaire, a fortiori en anglais. Les airs étrangers s’enchaînent sans la moindre pause, afin de ne pas fractionner des blocs musicalement cohérents, tellement cohérents que l’on pourrait peut-être regretter une certaine monotonie, que l’on pardonne toutefois aisément compte tenu du talent de l’interprète. The little road to Bethlehem de Michael Head et The Birds de Benjamin Britten se succèdent ainsi, presque comme un seul et même morceau, de même que Die Könige (Les Rois) de Peter Cornelius, formant un premier ensemble. Là aussi, que l’on soit germanophone ou non, on devine le caractère impeccable de la prononciation, de même que pour Die heiligen drei Könige de Richard Strauss. Oscar Strauss, quant à lui, permet la transition de l’allemand au français puisque aux extraits de son opérette Eine Frau die weiss was sie will (Une femme sait ce qu’elle veut) suivent ceux des Trois valses, également signés par le compositeur autrichien. Mais si l’interprétation de la soprano laisse comprendre l’humour de ces airs, on est ensuite heureux de pouvoir suivre le texte grâce, une nouvelle fois, à la prononciation exemplaire de Felicity Lott, et l’on regrette en même temps de ne pas avoir bénéficié de la traduction de ce qui a précédé. Benjamin Britten clôt finalement cette première partie et l’on note que, cette fois, l’artiste laisse un temps entre les airs dans lequel s’engouffre les applaudissements du public.
Après un entracte long, Jean Lenoir et Parlez-moi d’amour ouvrent la seconde partie de la soirée pour laquelle Dame Felicity Lott a changé de tenue, abandonnant sa robe pour une chemise argentée et un pantalon noir. Difficile alors de ne pas succomber au charme et à l’humour de la soprano anglaise, malgré une projection que l’on sent un peu fatiguée. A Chloris, de Reynaldo Hahn, fait ainsi toujours autant d’effet au public, puis on rit avec J’peux pas monter, bel exemple d’autodérision tirée de la comédie musicale Quand on est trois de Joseph Szulc, avant une jolie parenthèse poétique des Deux escargots vont à l’enterrement de Joseph Kosma sur un texte de Jacques Prévert. La soirée finira toutefois bel et bien avec humour, enchainant L’amour est un oiseau rebelle, beau clin d’œil à son amour de la France, J’ai deux amants (extraits respectivement de l'opérette Passionnément et de L’Amour masqué d’André Messager), C’est très vilain d’être infidèle, à nouveau de Reynaldo Hahn (Ô mon bel inconnu) où Felicity Lott sait se montrer malicieuse, et enfin Yes ! de Maurice Yvain qui réunit ici l’anglais et le français dans un petit clin d’œil pétillant.
A ses côtés, le pianiste Graham Jonhson l’accompagne et la suit, restant continuellement dans son ombre mais faisant montre d'une vraie complicité, comme lorsqu’il chante lui aussi quelques « yes » lors du dernier air. Face à un public totalement conquis, le duo offre deux bis : « Ah ! quel dîner je viens de faire », de La Périchole d’Offenbach, permettant à la soprano de se griser faussement et de tituber, manquant le piano et faisant naître ainsi des rires dans la salle. Un air qui trouve parfaitement sa place dans un récital de fin d’année, annonçant le Réveillon de la Saint Sylvestre ! Enfin, en belle clôture de soirée, « On s’amuse, on applaudit » de La Belle Lurette, où l’interprète dit d’une très belle façon au revoir : « adieu les amis, adieu, bonsoir » puis, de manière délicate mais relevée par le public, lui transmet ses vœux : « adieu mes amis, et bonne année ».
03 janvier 2019 | Imprimer
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