Cela fait maintenant neuf ans que le Château d’Hardelot (à Condette, dans le nord de la France) héberge un festival dont la renommée n’atteint malheureusement pas encore l’ampleur qu’elle mérite : le Midsummer Festival. En effet, « là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté » et de même que le titre du poème dont sont tirés ces vers, tout nous invite au voyage…
Un voyage qui se fait en plusieurs étapes, réparties sur trois weekends. Le premier débutait samedi dernier et se clôturait lundi par un récital « Porpora versus Haendel » aux allures de duel opposant les deux compositeurs et porté par la mezzo-soprano Vivica Genaux. Cette dernière était accompagnée par les Musiciens du Louvre sous la direction de Thibault Noally, que nous évoquions récemment pour la sortie de l’album Oratorio. La confrontation des deux compositeurs au temps de leur rivalité à Londres s’annonçait donc de haute volée, et nous n’avons pas été déçue.
Si le charme des lieux et l’acoustique exceptionnelle du théâtre élisabéthain d'Hardelot ne sont pas étrangers à la réussite de la soirée, difficile d’en exclure les artistes, à commencer par Vivica Genaux qui offre ici une superbe prononciation, des vocalises d’une admirable précision, un beau phrasé et des ornements baroques à se damner. Elle montre que si Haendel n’est pas son compositeur de prédilection, elle dompte ses partitions sans aucun effort apparent. Dès son premier air, « Abbugio avampo e fremo » de Rinaldo, les graves nous saisissent par leur clarté et leur force. Ils sont d’une netteté impressionnante et force l’admiration, de même que les notes les plus aigües. L’incarnation des personnages est elle aussi remarquable et l’on peut voir le visage transformé de la mezzo-soprano avant chaque air, comme par exemple pour celui de Medoro, « Il piè s’allontana » extrait d’Orlando ou Angelica e Medoro de Porpora. Toutefois, s’il fallait noter un léger bémol, peut-être serait-ce les mediums parfois un peu nasaux et par conséquent moins envoûtants que les graves, ce que l’on note par exemple dans le sixième titre de la première partie, « Dopo d’aver perduto il caro bene… » d’Il Parnasso in Fest. Ce n’est là qu’un infime détail qui n’entame en rien la réussite globale de la soirée. Quant au mouvement de la mâchoire inférieure de la cantatrice, il laisse tout bonnement coi par sa rapidité d’exécution et sa fluidité. La deuxième partie continuera d’opposer Haendel et Popora à travers cinq autres extraits mais inclura également une fugue de Johann Adolph Hasse, compositeur allemand du XVIIIe siècle. Le tout accompagné du sourire radieux de Vivica Genaux une fois qu’elle quitte le masque du personnage incarné.
Les Musiciens du Louvre ne sont pas en reste et accompagnent merveilleusement la cantatrice, comme par exemple lors de « Venti turbini », également extrait de Rinaldo, où les tourbillons des vents se déchaînent dès les premières notes avant même que la mezzo-soprano n’ouvre la bouche. C’est d’ailleurs cet extrait qui sera donné en bis en fin de représentation. Thibault Noally dirige d’un archet de maître les instrumentistes qui ont également droit à quelques extraits purement musicaux pour briller, ce qu’ils font dès le début de la soirée ouverte avec une symphonie de Haendel ou encore lors du Concerto pour violon qui met en avant le chef.
Quid alors du vainqueur de ce duel formidable ? La musique, bien entendu, mais aussi le public gâté qui a vécu une très belle soirée dans un cadre idyllique.
Elodie Martinez
(Château d'Hardelot, le 18 juin 2018)
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