La Création de Haydn entre brillamment au répertoire de l'Opéra de Montpellier

Xl_dsc08142 © OONM

Samedi, La Création (Die Schöpfung) de Haydn entrait au répertoire de l’Opéra national de Montpellier sous la direction du chef italien Marco Crispo (qui remplaçait George Jackson ayant dû s’absenter pour raisons familiales).

À la tête de l’Orchestre national Montpellier Occitanie, le chef a su insuffler toute la vie requise à cette création de l’univers. Un souffle doux et puissant, nuancé, coloré, qui possède toute la force nécessaire pour donner corps à cette partition si visuelle, tout en demeurant un souffle avec la légèreté que cela implique. Le chaos se forme sous nos oreilles, nous offrant à entendre le ciel et la terre, la lumière, la nuit, et toutes les vies qui se multiplient. Certes, des points demeurent perfectibles, comme les cuivres légèrement trop forte lors du chaos initial, mais c’est anecdotique face au résultat global. L’orchestre désire exploser tel l’Univers à sa création, mais le chef parvient à contenir cette puissance pour la mener et la manier afin d’obtenir un monde poétique et d’une grande visibilité. Parmi celles-ci, les tempêtes tourbillonnantes de la séparation des eaux que l’on entend dans les cordes, accentuées par le souffle des vents et le tonnerre des percussions. Un peu plus loin, on voit parfaitement le déferlement des flots dans la musique et l’on savoure finalement le tableau dépeint par les notes, brillamment porté par les forces de la maison montpelliéraine.

Parmi ces forces, il ne faut pas oublier son chœur – préparé par Noëlle Gény – qui ne cesse de nous enthousiasmer chaque fois un peu plus que la précédente. Puissant et excellent de la première à la dernière note, il se taille ici la part du lion, brille de mille feux et de mille et une manières, nous capte dans des envolées chatoyantes. Lors du duo entre Adam et Eve, « Holde Gattin, dir zur Seite », le chœur donne toute sa dimension au passage, appuie les solistes, un peu comme l’ombre donne la profondeur dans un dessin. Indubitablement, le chœur de l’Opéra est aujourd’hui l’une de ses (nombreuses) forces maîtresses.

La Création, OONM (2024) © OONM
La Création, OONM (2024) © OONM

Côté solistes, le plateau réunissait Emy Gazeilles, Maciej Kwaśnikowski et Alexandre Baldo – qui faisait partie des finalistes de la première édition de la Sumi Jo International Singing Competition. La soprano resplendit d’une voix solaire, miroitante tel un soleil azuré. Dans les ensembles, elle tire son épingle du jeu tout en modulant sa ligne de chant pour l’adapter selon la ou les voix qu’elle accompagne alors. A l’intelligence du chant s’adjoint l’émotion de l’interprétation, tant en Gabriel qu’en Eve, pour offrir une prestation des plus appréciables.

Le ténor (Uriel), quant à lui, n’engendre malheureusement pas autant d’enthousiasme de notre part : la projection est parfois trop importante, donnant à certains moments (comme dans « Mit Würd’ und Hoheit angetan ») une impression de jeter plutôt que de projeter la voix. Certains aigus semblent légèrement poussés, et la puissance du timbre – par ailleurs appréciable – ne prend pas toujours en compte les autres voix qui l’entourent, créant parfois un certain déséquilibre lors des trios, brisant l’homogénéité attendue. Ceci étant dit, on soulignera également légèreté de la voix et ses embrasures ambrées, ainsi qu’un souffle puissant.

Enfin, le baryton-basse (Raphaël et Adam) laisse entendre une très belle profondeur vocale, caverneuse et ténébreuse, mais robuste et finement projetée. Le souffle ne souffre aucun obstacle pour parvenir à nos oreilles qui se délectent de ce chant élégant. L’amplitude de la ligne et de la palette offerte titille l’intérêt et l’on espère pouvoir redécouvrir cette voix lors d’un futur rendez-vous lyrique. Citons enfin Dominika Gajdzis, une mezzo-soprano au timbre chaud qui quitte les chœurs pour se joindre au trio lors du final de la soirée, mais que l’on entend peu compte-tenu de la partition qui lui est accordée.

Le public laisse éclater son enthousiasme dans une salve d’applaudissements au terme de cette très belle soirée et de cette entrée au répertoire remarquable. Son engouement est remercié par un bis reprenant le chœur final, mettant ainsi un point final joyeux et lumineux pour cette Création montpelliéraine.

Elodie Martinez
(A Montpellier, le 16 novembre 2024)

La Création (Die Schöpfung) à l'Opéra Orchestre National Montpellier le 16 novembre 2024.

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