La Néréide nous convie à un concert secret au festival d'Ambronay

Xl_thumbnail__dsc9244_ens_la_nereide_concert_secret_fest_amb_28092024___bertrand_pichene-ccr_ambronay_dxo © Bertrand Pichène

Samedi, le Festival d'Ambronay se poursuivait avec, entre autre, un « concert secret » à 14h30 : celui de l’ensemble La Néréide, que nous avions rencontré en juin 2023 à l’occasion de leur disque éponyme qui sortait en septembre et de la tournée qui suivait. N’ayant malheureusement jamais pu encore les entendre, nous nous réjouissions donc particulièrement d’enfin pouvoir y assister cet après-midi, le temps d’une parenthèse enchantée et apaisante.

Le programme du concert reprend en partie celui du disque avec des œuvres de Luzzasco Luzzaschi (majoritairement présente), un air de Monteverdi, un autre de Marenzio et enfin Francesca Caccini – que nous retrouvons donc une semaine après sa Liberazione di Ruggiero dall’isola d’Alcina dans cette même abbaye. Le nom du concert – par ailleurs très alléchant – fait écho à l’histoire de ces trois Dames de Ferrare. Celles-ci tenaient des concerts secrets pour lesquels il fallait une invitation quel que soit votre rang. Toutefois, face à la beauté et la qualité de ces rendez-vous, les Nobles ont vite échangé entre eux à ce sujet. Le secret s’ébruita, et cela devint un véritable phénomène. A tel point que les partitions de ces concerts étaient conservées dans un coffre ouvert uniquement à l’occasion de ces concerts. Une histoire que rappelle par ailleurs Camille Allérat après le premier air, qui (ac)cueille le public, « Non sa che sia dolore ».

Les propos tenus lors de l’interview trouvent ici tout leur sens : les trois voix fonctionnent magnifiquement ensemble, quand bien même les trois sopranos présentent des timbres effectivement différents. La « fusion » mentionnée par Camille Allérat est évidente et indéniable dès les premières notes. Malgré l'impossibilité d’accorder la viole de gambe et que cette dernière ait finalement été absente de l’accompagnement, l’accord des voix et des instruments s’est fait naturellement et l’on n’aurait pas pu deviner ce changement s’il n’avait pas été signalé en ouverture de concert. De trois voix naissent une unité, une union qui résonne magnifiquement dans l’abbaye d’Ambronay. Même le jeu de déplacement des trois solistes marque cette idée d’équité : aucune des sopranos ne se trouve à la même place au début et à la fin du concert. Les voix peuvent changer de place, mais l’équilibre demeure.


La Néréide, Ambronay © Bertrand Pichène

Bien que nous l’ayons déjà entendu une semaine plus tôt seulement, nous avons eu l’impression de découvrir l’air des sirènes extrait de La Liberazione di Ruggiero dall’isola d’Alcina de Caccini pour la première fois. Les trois cantatrices font ainsi entendre chacune leur voix après le beau moment d’union qui précédait, comme pour se présenter à nos oreilles dans leur identité propre. De la même manière, chacune présente un air solo au cours de l’après-midi. La première est Julie Roset, avec « Ch’io non t’ami » (Luzzaschi). La voix se libère, se lâche et s’élève davantage qu’en trio, montrant bien qu’une fois unies, le but des voix est de s’accorder ensemble et non de se détacher pour briller séparément. C’est ensuite à Camille Allérat, avec « Aura soave » (Luzzaschi), qui laisse entendre notamment la beauté des graves légèrement ambrées. Enfin, Ana Vieira Leite enchante avec « O Primavera » (toujours de Luzzaschi), s’exprimant par une très belle ligne de chant dans laquelle transparait une solide douceur.

Si l’ensemble du concert fut un délice cotonneux dans lequel on se laisse porter, bercer et dorloter – le public ne brisant que rarement cette bulle de félicité par ses applaudissements tant il y est bien lové – et qu’il est bien difficile d’en extraire des moments plus marquants que les autres, nous citerons néanmoins le « Belle ne fe’ natura » de Marenzio chanté a capella. L’osmose des voix atteint alors un niveau sublime qui captive profondément. Autre moment que le public a salué par ses applaudissements : « Occhi des pianto mio » de Luzzaschi. Bien que musiciens (Manon Papasergio, Gabriel Rignol et Yoann Moulin)  et cantatrices soient parfaitement à l’unisson du début à la fin, il est vrai que cela se ressent plus particulièrement encore à ce moment-là : les voix sonnent parfaitement ensemble, sans aucun décalage. Tout s’aligne à la perfection, et le jeu de regard qui ne cesse depuis le premier air montre à quel point les trois amies ont su apprivoiser avec art leurs voix mais aussi leur programme.

L’ensemble virevolte avec le céleste et offre un « concert secret » digne de ceux de l’époque, nous invitant dans le cercle fermé de ces Nobles et autres fins connaisseurs. Le temps d’un instant, La Néréide a fait revivre les Dames de Ferrare et a su charmer le public de sa voix de nymphe dans laquelle se reflètent celles de Julie Roset, Ana Vieira Leite et Camille Allérat.

Elodie Martinez
(Ambronay, le 28 septembre)

Le Concert Secret, Ensemble La Néréide, au festival d'Ambronay le 28 septembre.
Le concert a fait l'objet d'une captation pour sur Culturebox et France Musique.

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