L'Opéra de Montpellier ouvre sa saison lyrique en grande pompe

Xl_dsc03701 © OONM

Ce samedi 7 octobre, l’Opéra de Montpellier ouvrait sa saison lyrique en grande pompe avec un gala lyrique dont le programme était entièrement italien. Scindé en deux parties assez égales, la soirée en offrait une première consacrée exclusivement à Verdi, puis une seconde tournée vers le vérisme, sous la direction de Francesco Angelico. La scène du Corum présentait un décor neutre dévoilant une structure métallique assez légère, tandis que le jeu de lumières (de Mathieu Cabanes) était particulièrement juste et appréciable, créant de micro-atmosphères qui ont su habiller la soirée comme un décor.

Les forces mises en place pour cette soirée ont de quoi impressionner et ravir : l’Orchestre national Montpellier Occitanie est au grand complet – voire renforcé – et le choeur de l’Opéra de Nice se joint à celui de la maison montpelliéraine. L’ensemble s’avère être une bête puissante savamment domptée par le chef italien. Les couleurs musicales se déversent avec justesse pour chacun des airs, et l’on reste subjugué par ces muscles instrumentaux dont la force se devine sans jamais qu’en soit fait un étalage gratuit. L’agilité féline avec laquelle les notes sont interprétées permet à Francesco Angelico de tirer le meilleur de cette phalange titanesque. S’il prend garde à l’ensemble, il n’en délaisse pas pour autant les individualités, ce qui offre une immense palette interprétative, allant de l’accompagnement de la harpe au fortissimo du « Te Deum » (Tosca) parfaitement juste et maîtrisé. On se délecte de chaque instant, et on salue chapeau bas le résultat. Quant aux chœurs, préparés par Giulio Magnanini et Noëlle Gény, ils s’avèrent eux aussi efficaces, que cela soit dans leurs airs chorales, ou en réponses aux solistes. L’équilibre entre les pupitres est là aussi bien maîtrisé, y compris face à l’orchestre.


Gëzim Myshketa, Gala lyrique à l'Opéra de Montpellier © OONM

Côté solistes, le plaisir est également au rendez-vous, avec tout d’abord Gëzim Myshketa, que le public montpelliérain connaît déjà pour l’avoir entendu dans Le Barbier de Séville ou encore dans Rigoletto. Le souffle demeure puissant, de même que la projection. L’application portée au phrasé et à l’incarnation est particulièrement remarquable, surtout pour un concert. Son regard obéit à sa voix, et les deux parviennent à rendre la noirceur de l’âme de ses méchants (comme son Scarpia) mais aussi leur complexité, ou la noblesse du personnage, comme dans les airs de Simon Boccanegra qui s’enchaînent pour en représenter une intrigue amoureuse qui se suffit à elle-même.

Face à lui, le ténor Oreste Cosimo ne démérite pas en souffle et en puissance, et présente un chanteur on ne peut plus lyrique. Le jeu s’avère ainsi trop appuyé et théâtral, manquant de naturel et de retenu, mais dans une version de concert, on n’en tiendra pas rigueur, le plaisir auditif étant au rendez-vous.


Oreste Cosimo, Gala lyrique à l'Opéra de Montpellier © OONM

Toutefois, la véritable surprise et révélation de la soirée s’avère être la soprano mexicaine Yunuet Laguna, diplômée du programme des jeunes artistes Lindemann du Metropolitan et lauréate du concours international du prix Elizabeth Connell. Si les toutes premières notes laissent percevoir le stress de cette grande soirée – qui marquait ses premiers pas en Europe –, il est vite balayé et la voix se libère. La profondeur du timbre offre des reflets mordorés à la ligne de chant qui se déploie tel un cheval ailé, plein de force et de grâce. La rondeur du timbre offre de chaleureuses nuances, auxquelles s’ajoute une élégance particulièrement audible dans les notes plus aiguës. Un nom à retenir !


Oreste Cosimo, Gëzim Myshketa et Yunuet Laguna, Gala lyrique à l'Opéra de Montpellier © OONM

La soirée n’est néanmoins pas totalement sans fausse note : si la mise en espace signée par Franciska Ery était prometteuse et une bonne idée afin de rendre le spectacle plus vivant qu'une série d'airs chantés par des artistes figés debout, elle s'avère finalement quelque peu décevante, sans véritable apport, et va même parfois jusqu’à parasiter le plaisir de l’écoute. Certes, quelques idées ne sont pas inintéressantes, comme les objets symboliques en références aux œuvres interprétées, mais la présence du comédien sur scène (Grégory Cartelier) n’apporte finalement pas grand-chose. Pour ne citer qu’un exemple, l’emploi de la caméra en direct, collée à la soprano durant le « Lamento di Federico » (Arlesiana, de Francesco Cilea) vient gâcher le plaisir de l’écoute.

Rien qui ne soit catastrophique ni que ne vienne remettre en question le niveau d’excellence global de la soirée, à la hauteur d’un gala. Avec ce concert, l’Opéra de Montpellier ouvre en grande pompe sa saison lyrique et montre à quel point puissance et délicatesse peuvent se marier à l’opéra pour créer un instant unique et hors du temps.

Elodie Martinez
(A Montpellier le 7 octobre 2023)

Gala lyrique, à l'Opéra de Montpellier le 7 octobre 2023.

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