Parallèlement à son « vide-dressing » proposant à la vente quelque 2000 costumes et accessoires de scène, l’Opéra de Montpellier conviait aussi le public au Corum, réuni en masse, pour le second événement de la soirée : la Grande Messe de Mozart, ou Grande messe en ut mineur, cette œuvre inachevée mais magnifique. Composée durant ses années viennoises, l'oeuvre a fait l'objet d'une première représentation – et unique du vivant de Mozart – en date du 26 octobre 1783, à Salzbourg. On y entendit alors le Kyrie, le Gloria, le Sanctus avec le Hosanna et le Benedictus. Ce fut Constanze Mozart qui y interpréta elle-même la partie de soprano solo.
Vendredi soir, c’était au tour de Camille Chopin d’endosser cette partition avec charme et délicatesse. Elle cisèle les accents du chant avec volupté – malgré un court passage dans les graves un peu difficile mais vite oublié –, jusqu’à l’acmé de la soirée : « Et incarnatus est », peut-être « l’un des plus intimes hymnes jamais composés par Mozart ». Le moment est magique, suspendu dans le temps : le génie du compositeur est servi avec douceur et bienfait par la soprano qui parvint à trouver la juste mesure de cet instant de grâce. Lors des airs partagés, sa voix se mêle avec celle de Séraphine Cotrez avec un naturel déconcertant. Le mariage obtenu parvient même parfois à perdre l’oreille tant les voix n’en forment alors plus qu’une. Les accents de l’une nourrissent ceux de l’autre dans des mélanges inspirants.
Les voix masculines ne sont pas les mieux servies dans cette messe, et le ténor Sahy Ratia fait sa part avec une projection qui pourrait être plus puissante pour cette voix chaude. Le pauvre Edwin Fardini doit se contenter de peu – et nous aussi – avec cette partition, mais sa voix de baryton se met entièrement au service de ses trop rares moments d’expression. A la fois légère, solaire et terrestre, la ligne de chant se saisit fort bien de la partition qui lui est donnée.
Grande Messe de Mozart à l'OONM © OONM
Toutefois, c’est sans surprise le Chœur de l’Opéra Montpellier Occitanie – préparé par Noëlle Gény – qui sort grand vainqueur de cette soirée. A la fois d’une incroyable puissance et capable d’une mesure intelligente, il crée des tourbillons dans le chant et l’atmosphère de la salle. Solide, il offre une très belle homogénéité et survole les difficultés de la partitions comme si de rien n’était. Mais l’harmonie est aussi magnifique entre l’ensemble des voix et l’Orchestre national Montpellier Occitanie, dirigé par Marc Korovitch. Le chef irradie sur son pupitre, tandis que sa direction est une véritable danse dans laquelle la partition vit presque tout autant qu’au bout de sa baguette. Il ne dirige pas la Messe : il la respire et l’expire, la fait couler le long de ses gestes habités. L’ensemble des musiciens suit la cadence, prompts à ne pas laisser passer la moindre imperfection dans son interprétation. Unis et souvent indissociables, les pupitres se répondent, se portent, s’élèvent, s’écoutent et dialoguent ainsi dans une parfaite entente.
Avec cette Grande Messe, l’Opéra de Montpellier montre à quel point ses forces locales sont puissantes et méritent elles aussi d’être mises au premier plan : chœur et orchestre demeurent le cœur et l’âme d’une maison, des fondations sur lesquelles se reposer. À n’en pas douter, celles de la maison montpelliéraine sont solides, et savent se mettre en avant tout autant que faire place aux solistes, les uns étant le prolongement des autres pour cette soirée puissante et harmonieuse.
Elodie Martinez
(Montpellier, le 26 janvier 2024)
Grande Messe en ut de Mozart, à l'Opéra-Orchestre national de Montpellier
29 janvier 2024 | Imprimer
Commentaires