Ce weekend marquait le clap de fin de l’édition 2020 du festival d’Ambronay qui avait débuté le 18 septembre dernier. Un ultime weekend de rassemblement, toujours dans le respect des règles sanitaires. Parmi les concerts proposés se trouvait notamment un récital à la bougie en compagnie d’Eva Zaïcik et des Ombres, pour une « nuit au Louvre ». Un voyage dans le temps, comme nous le signale le « programme vivant », c’est-à-dire l’artiste qui, comme la semaine passée, présente oralement la soirée avant d’entrée en salle. Une entrée en matière toujours aussi plaisante pour ce concert donné à deux reprises dans la soirée.
Concert à la bougie d’Eva Zaïcik à Ambronay ; © Bertrand Pichène
Disons derechef que l’ambiance originale de ce récital est particulièrement marquante : point de projecteurs ici, mais bel et bien une multitude de bougies allumées un peu avant le spectacle, soit à terre, soit sur divers chandeliers. Le charme des flammes dansantes accompagnant musique et chant n’a décidément pas d'égal ! Dans cette ambiance tamisée, la mezzo-soprano et les cinq instrumentistes des Ombres proposent un programme français puis italien sur la scène bi-frontale mise en place pour cette édition un peu particulière où le public prend place dans la nef et le choeur.
C’est par « Laissez durer la nuit » de Sébastien Le Camus que s’ouvre le programme (suivi par son « On n’entend rien dans ce bocage »), comme une invitation à une languissante aventure musicale. Le « vif éclat du jour » chanté par la cantatrice s’élève alors jusqu’à la voûte et remplit toute la salle, comme un rayon de soleil chatoyant. Toutefois, c’est probablement l’air « Vos mépris chaque jour » de Michel Lambert qui livre le plus beau moment de la soirée, dans un bel écrin d’émotions comme hors du temps, comme pour clore en beauté cette première partie française, bien que suive la Suite en sol majeure Jean de Sainte Colombe qui permet à Margaux Blanchard de faire montre de son talent à la viole de gambe. Dommage que, placée où nous étions, nous n’ayons alors pas davantage entendu la guitare, souvent effacée par les autres instruments durant la soirée. Lully offre une transition vers la seconde partie du programme dédiée à l’Italie, avec Stradella – dont la Sinfonia n°1 a notamment le mérite d’apporter un peu de rythme à la soirée – et Cavalli. La voix d’Eva Zaïcik procure de nombreuses satisfactions, profonde et prenant des accents agiles, et la maîtrise du chant est aussi belle que légère, tandis que la chanteuse offre des sourires qui ne peuvent que faire naître la sympathie.
Mais si le plaisir d’entendre la mezzo-soprano est bien réel, on ne ressent pas toujours l’harmonie et l’osmose habituelles des Ombres – qui accompagnent pourtant bien la chanteuse, à la très belle diction. Les interludes instrumentaux restent des temps appréciables de la soirée, mais dont la programmation, parfois un peu monotone y compris pour les derniers airs de Cavalli, aurait peut-être mérité davantage de nuances. La beauté est là, mais davantage d’extravagance ou de légèreté aurait certainement été appréciable.
Au final, on retiendra l’atmosphère intime et tamisée de la soirée, réchauffant les cœurs face à la grisaille automnale, à laquelle répond la chaleur de la voix d’Eva Zaïcik dans ce récital à la bougie – une forme de concert qui se répand de plus en plus et que l’on espère voir encore se développer. La soirée a fait l'objet d'une captation et sera retransmise sur France Musique le 20 octobre prochain à 20h.
Elodie Martinez
(Ambronay, le 2 octobre)
© Bertrand Pichène
05 octobre 2020 | Imprimer
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