Hier se tenait la première des deux dates lyonnaises de la version concertante de Nabucco donnée dans la cadre de la coproduction annuelle entre l’Opéra de Lyon et le Théâtre des Champs-Elysées. C’est en partenariat avec l’Auditorium de Lyon où le concert est donné et en incluant une date à Vichy (avec qui la maison lyonnaise s’est rapprochée depuis la nouvelle délimitation des régions). Après plusieurs cycles sur les dernières années, la saison dernière a vu débuter un nouveau triptyque dédié à Verdi dont Nabucco marque le deuxième titre avant Ernani l’an prochain.
Si ce concert de novembre est toujours très attendu car très prometteur, celui de cette saison l’était tout particulièrement du fait de la présence de Leo Nucci dans le rôle-titre. Malheureusement, un communiqué de presse annonçait hier matin que ce dernier avait dû se retirer de la production pour des raisons de santé (voir notre actualité à ce sujet) et était remplacé par Amartuvshin Enkhbat. Ce dernier offre une belle prestation, d’autant plus que, connaissant déjà le rôle, c’est sans partition qu’il prend ici le flambeau du baryton italien au pied levé. La projection est excellente dès le début de la soirée et, s’il peut paraître quelque peu statique, il se libère lorsqu’il est frappé par la foudre. De même que le tyran, l’interprète retrouve alors davantage d’humanité et convainc la salle lors de l’air « Dio di Giuda » ainsi que d’un duo au sommet, « Deh, perdona, deh, perdona », face à l’Abigaille superlative d’Anna Pirozzi. La cantatrice remporte la ferveur du public qui n’hésite pas à l’applaudir à de multiples reprises au cours de la soirée et qui lui offre une belle salve lors des saluts finaux. Comme à Monte-Carlo, elle semble ici faire fi de la partition (qu’elle n’a d’ailleurs pas sous les yeux) et de ses difficultés pour offrir un chant clair et naturel, puissant et parfaitement habité. Elle est la grande triomphatrice du plateau vocal.
Enkelejda Shkoza est pour sa part une Fenena aux beaux graves mais au vibrato souvent trop prononcé, notamment dans la deuxième partie. Le public lyonnais retrouvait avec plaisir Massimo Giordano (Ismaele) déjà entendu dans Attila l’an passé. Le timbre est toujours chaud, solide et maîtrisé. Autre nom que l’on retrouve, celui de Grégoire Mour qui pèche à nouveau par un manque de projection des plus notables, bien plus important que celui de Riccardo Zanellato qui peine parfois face à la puissance de l’orchestre et qui, malgré une riche palette, ne fait pas toujours entendre un chant des plus assurés. Il se rattrape toutefois dans le « Come notte a sol fulgente », fort bien exécuté. Enfin, Martin Hässler incarne un Grand Prêtre de Bélos plaisant et Erika Baikoff une Anna au timbre de voix intéressant mais dont la posture scénique contractée et voûtée reste gênante même sans mise en scène.
Si les solistes ont globalement su conquérir le public, ce dernier ne s’y trompe pas et réserve le même accueil au chef Daniele Rustioni qu’à Anna Pirozzi. L’Opéra de Lyon a décidément visé juste en le nommant à la tête de son orchestre. Il apporte ici une nuance toujours à l’écoute de la partition de Verdi, la magnifiant par une énergie débordante et une intelligence interprétative qui ne faiblit pas de la première à la dernière note. Il dirige un Orchestre de l’Opéra de Lyon dont on connait le niveau d’excellence, tandis que les chœurs parviennent à créer un ensemble d’une homogénéité exemplaire tout en réussissant à offrir de multiples variations et un chœur des esclaves d’une très belle justesse.
Une version de concert qui, privée de sa tête d’affiche initiale, a su ravir le public par une Abigaille de haut vol, mais aussi et surtout un orchestre et un chœur magistraux sous la baguette d’un Daniele Rustioni en pleine forme.
Elodie Martinez
(Auditorium de Lyon, le 5 novembre)
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