Un sublime Stabat Mater en ouverture du festival d'Ambronay

Xl_thumbnail__dsc4125_oh__orkiestra_p_pastuszka_b_de_sa_fest_amb_13092024___bertrand_pichene-ccr_ambronay_dxo © Bertrand PICHENE-CCR Ambronay

Vendredi débutait la 45e édition du festival d’Ambronay, placée sous le thème de « La voix est libre ». Afin d’inaugurer cette édition prometteuse, le festival a fait appel à un nom déjà entendu dans ces murs : le sopraniste Bruno de Sa, que nous avions pris grand plaisir à entendre l’an passé. Cette fois-ci, il était aux côtés de l’ensemble polonais {oh!} Orkiestra ainsi que du contre-ténor Rémy Bres-Feuillet (et non de Nicholas Tamagna initialement annoncé).

Le programme mettait en avant le Stabat Mater indémodable et indétrônable de Pergolèse. Une page musicale qui ne cesse de saisir par sa beauté, l’harmonie des émotions et la force de ces dernières. Bien interprété, il ne peut laisser de marbre l’auditoire.

Néanmoins, comme il est courant, il faut savoir le mériter et l’œuvre est souvent précédée de quelques « mises en bouche ». Vendredi, ce fut le Concerto grosso n°5 de Scaralatti qui débuta donc la soirée, nous permettant de faire connaissance avec l’ensemble {oh!} Orkiestra que nous entendions pour la première fois, et dont c’était d’ailleurs la première venue au festival. L’amplitude qu’il déploie offre des nuances fort appréciables et des modulations particulièrement maîtrisées. On savoure le pianissimi qui suspend le temps avant l’ultime Allegro.

Bruno de Sa apparaît ensuite pour exécuter « In furore iustissimae irae » de Vivaldi. La magie de la voix opère dès les premières notes après l’attaque vive de l’orchestre. Les aigues sont d’une précision redoutable et la direction de Martyna Pastuszka – également au violon – est habitée, créant une belle harmonie tant dans l’interprétation que dans la musique pour un accompagnement équilibré. Puis le Concerto grosse n°3 de Scarlatti – extrait comme le premier des Sei Concerti in sette parti – est finement exécuté avant que ne soit servie la pièce de résistance de la soirée tant attendue : le Stabat Mater de Pergolèse.

La montée des premières notes est toujours un moment qui saisit, magique, un instant profond et solennel dans lequel se laissent entendre les sanglots de la Mère. Notre voisin de salle n’a d’ailleurs pas pu retenir un « Oh ! Que c’est beau ! ». Il faut dire que là encore, l’orchestre appose des nuances magnifiques, miroitantes et terriblement parlantes. Les instruments se répondent, s’écoutent, habitent la musique tout autant qu’elle les habite. La direction est légère et discrète mais encadre malgré tout pour éviter toute sortie de route. Le résultat est impeccable et en appui aux deux voix présentes. Bruno de Sa, naturellement, qui connaît fort bien l’œuvre pour l’avoir déjà interprétée de nombreuses fois – dont douze fois l’année dernière seulement ! Ce n’est pas pour autant que le sopraniste se repose sur ses lauriers : il habite véritablement ce texte douloureux.

À ses côtés, un jeune contre-ténor français : Rémy Bres-Feuillet, véritable révélation de cette soirée ! Un nom qu’il faut retenir et que l’on suivra avec attention. Le medium est magnifique, le aigus divins et les graves sublimes. Chaque intervention est une claque, et l’on rapprocherait davantage la tessiture de cette voix ambrée à celle de contralto. Tout comme son confrère, la projection ne rencontre pas d’obstacle et les deux voix se mêlent avec superbe dans les parties communes. « Fac ut ardeat cor meum » est un très beau moment, durant lequel on a l’impression que les artistes « lâchent les chevaux » pour notre plus grand plaisir, avant bien sûr l’ultime passage ensemble qu’est le « Quando corpus morietur » et ces « amen » lancés comme des flèches au cœur de cibles diverses. Les dernières notes ne laissent aucun doute sur la fin de la partition, offrant un point final quasi opératique.

C’est d’ailleurs ce dernier passage qui est choisi comme premier bis de la soirée, interprété cette fois-ci face au fond de l’abbaye, côté chœur, où se trouve une partie du public. Et il faut bien admettre que, même de dos, cela demeure magnifique ! La cheffe pose son violon pour joindre ses applaudissements à ceux du public, toujours conquis et gourmand d’un bis supplémentaire. Il se voit fort bien servi avec la reprise de « O quam tristis et afflicta » qui vient clore cette soirée mémorable en point d’orgue. 

Elodie Martinez
(Ambronay, le 13 septembre)

Stabat Mater de Pergolèse, Festival d'Ambronay le 13 septembre 2024.

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