L’une des originalités qui fait le succès du Festival d’Opéra de Wexford est la présentation d’ouvrages dits « courts ». Des opéras en un acte, composés en des siècles différents mais qui témoignent du talent de leurs créateurs et constituent, dans leur genre respectif, de prestigieuses raretés injustement reléguées. Cette année, cette série réunit deux exemples comiques et un mélodramatique.
Il Campanello (« La cloche de nuit») de Gaetano Donizetti s’inscrit dans une période de pleine maturité du compositeur de génie, comptant nombre d’arias délicieux, parfois empruntés à d'autres œuvres. La démarche utilisée ici souligne le complot comique ourdi par le jeune Enrico, qui tente avec succès d’interrompre la nuit de noces de la jeune et fraîche Serafina, épouse du vieux mais riche pharmacien, Don Annibale Pistacchio.
Une fois encore, le metteur en scène Roberto Recchia a su rendre très vivante, l’interprétation parfaitement exécutée par les jeunes chanteurs de la distribution. Lui-même acteur, Roberto Recchia sait impliquer physiquement ses interprètes pour démontrer les sentiments, les émotions et les interactions entre les personnages. Il peut exagérer ou même approcher de la parodie mais reste toutefois toujours dans les limites du divertissement léger et de la présentation sérieuse. Très intelligemment, il fait régulièrement référence à des séries modernes ou à des tendances musicales qui parlent au public, sans pour autant interrompre le cours de la narration.
The Bear - Wexford Festival 2016
Riders to the Sea - Wexford Festival 2016
Enrico est brillamment joué et chanté par Michele Patti, au côté de Don Annibale, rôle tenu par son collègue italien Pietro di Bianco. Tous deux livrent une contribution très intense, portée notamment par leur tempérament italien. Michaela Parry est Madame Rosa, curieuse belle-mère nymphomane, et Rachel Croash interprète sa fille, la jeune mariée Serafina. Toutes deux déploient un soprano particulièrement fin, au travers de personnalités plutôt nordiques, permettant un beau et réel contraste avec les deux bouillonnants Italiens. Tina Chang est en charge de la direction musicale. Forte d’une direction piano, elle sait évoquer la mentalité du peuple et l’atmosphère des rues italiennes qui traduit la musique de Donizetti, grâce à une interprétation dynamique – tout en étant amenée, parfois, à devoir même chanter dans cette production de Roberto Recchia.
L'humour britannique s’exprime davantage dans The Bear, le drame social doux-amer de William Walton, d’après un vaudeville d’Anton Chekhov. Veuve depuis peu, Yelena finit par tomber amoureuse du tempétueux Smirnov, un créancier de son défunt mari, après s’être fortement disputée avec lui. Conçu par Kyle Lang dans un chic intérieur anglais, appuyé par le noble comportement britannique des classes supérieures, Sarah Richmond en Yelena et Rory Musgrave qui tient le rôle de Smirnov offrent une heure de musique très divertissante – une réussite que souligne Andrea Grant au piano. Avec compréhension, l’interprète sait mêler rythme expressif et son dramatique à l’étrangeté de la conversation.
Enfin, l'atmosphère locale irlandaise peut être pleinement ressentie dans Riders to the Sea, opéra aux accents déprimants de Ralph Vaughan Williams. Le public est confronté au sort d'une mère dont le mari et les six fils se sont perdus en mer. La vie déprimante des pauvres pêcheurs et de leurs épouses, mères et sœurs, se traduit par une coloration musicale mélodramatique soigneusement élaborée par Benjamin Laurent.
La musique de Ralph Vaughan Williams exprime la monotonie et la dureté de la vie quotidienne, l'environnement sombre et le sort de la classe besogneuse qui ne peut se nourrir d’aucun espoir. Lara Harvey (dans le rôle de Maurya) apparaît sous les traits d’une âme fantomatique, résignée et confrontée à son destin. Son deuil final participe au soulagement de n'avoir plus rien à perdre. Presque inconsciente, abasourdie, son mezzo parait totalement habité. La brutalité directe, claire et limpide que dévoile l'histoire soulignée par la musique dramatique crée une réelle tension, au point que l’on pourrait se croire confronté à la réalité.
Traduction libre de la chronique d'Helmut Pitsch
Crédit photo : Paula Malone Carty
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