Commandée par le Metropolitan Opera, la Vanessa de Samuel Barber a été accueillie par un franc succès lors de sa création en 1958. Son fidèle partenaire, Gian Carlo Menotti, en avait rédigé un livret à la fois très sensible et très précis, d’après un conte gothique – de tous les livrets de Samuel Barber, c’est le seul qu’il ne composa pas lui-même.
On ne compte que quelques autres productions de l'opéra, principalement données aux États-Unis – Vanessa ne s’est jamais vraiment imposé dans le répertoire des maisons d’opéras européennes. Une fois encore, le festival de Wexford programme l’une de ces précieuses raretés lyriques, injustement absentes des scènes européennes depuis longtemps.
Pour nombre de critiques et amateurs d'opéra, cet opus est quoi qu’il en soit considéré comme l’un des meilleurs opéras américains – une délicate composition, fortement marquée par un héritage européen faisant clairement référence à Mahler, Strauss, Puccini ou même Tchaïkovski, ainsi qu'à une musique plus pragmatique de film américain. C'est aussi le mouvement lyrique et dramatique qui rend l’œuvre harmonieusement expressive et moderne.
Vanessa © Clive Barda
Carolyn Sproule as Erika © Clive Barda
Grâce à l'insistance de certains des chanteurs participant à la première mondiale en 1958, Samuel Barber a ajouté quelques arias qui ont enrichi la composition, la transformant en une véritable œuvre lyrique. Et l'excellente distribution de la soirée confirme la qualité de ce concept davantage achevé avec une belle partition chantée.
Claire Rutter tient le rôle-titre de Vanessa. Cette élégante Dame aura attendu vingt ans le retour de son amant, Anatol, finalement remplacé par le fils de ce dernier, un snob opportuniste anonyme, qu'elle épouse, laissant alors la maison à sa nièce Erika, interprétée par Carolyn Sproule.
Erika tombe follement amoureuse du jeune Anatol et l’espace d’une nuit suffit pour qu’elle tombe enceinte. Pour finir, elle hérite de la grande maison au départ de Vanessa, décide de poursuivre sa vie et, tout comme Vanessa en son temps, d'attendre le retour de « son » Anatol. Eminente Lady, Rosalind Plowright complète ce trio féminin pour endosser les traits de la mère et grand-mère des deux personnages principaux. Trois interprètes qui dévoilent de brillants talents d’acteurs.
La jeune Grecque, Rodula Gaitanou, élabore une scénographie sophistiquée, portée par une interaction particulièrement vivante de tous les personnages. À l'origine, Samuel Barber situait l'histoire dans le nord de l'Europe, à l’époque victorienne. La mise en scène se déroule ici dans l’Amérique de la fin des années cinquante.
Créatrice des décors et des costumes, Cordelia Chisholm a imaginé une propriété luxueuse et créé des robes élégantes pour les trois femmes autour desquelles le talentueux Michael Brandenburg, en jeune Anatol, sèmera conflits et confusion. Portant beau et playboy, il est convaincant en aventurier en faillite, quand bien même son faible ténor parait parfois limité face aux démonstrations de chant des trois épouses qu'il rencontre dans la maison.
James Westmandéploie un autre personnage étrange, le médecin de famille qui voudrait être poète sans toutefois y parvenir – mais uniquement dans ce domaine, et certainement pas dans son interprétation du rôle ce soir.
Le maestro Timothy Myers sait valoriser les époustouflantes mélodies de la composition de Samuel Barber, dont les interférences sont particulièrement expressives. Il ne cherche jamais la puissance et maintient les musiciens dans une sorte de tension permanente afin d’obtenir une interprétation subtile et emplie d’émotion.
Une fois encore, la sélection judicieuse du Festival de Wexford offre au public européen la possibilité d’une découverte impressionnante avec cet important compositeur américain contemporain.
Helmut Pitsch
11 novembre 2016 | Imprimer
Commentaires