La Favorite de Gaetano Donizetti, à l'Opéra de Munich

Xl_la-favorite-munich-2016 © DR

L’opéra s’ouvre sur un grand espace vide. Une fois encore, la jeune metteure en scène allemande Amélie Niermayer utilise l’ouverture pour commencer d’emblée à narrer des parties de l’histoire. La nouvelle production du Bavarian State Opera est aussi sa première apparition dans ce lieu.

La première rencontre entre Leonor, la maitresse du Roi Alphonse, et le moine Fernand est un coup de foudre immédiat suivi d’une étreinte intime. Le scénographe Alexander Müller Elmau a su créer un environnement sombre et sobre grâce à des blocs de métal amovibles, illuminés de l’intérieur comme pour dévoiler le cœur du monastère ou de la cour royale, alors que de son côté, la costumière Kirsten Dephoff a créé un ensemble de tenues modernes qui manquent de cohérence avec l’histoire. Il est évident qu’Amélie Niermayervient de l’univers du théâtre : le jeu, les sentiments et les émotions entre les différents personnages sont intenses, puissants et expressifs, presque exagérés.


Elina Garanca (La Favorite)

La pauvre Elina Garanca, dans le rôle de Leonor, est sans cesse jetée à terre, rampant pour demander grâce ou pardon. Pensée comme un sosie de Catherine Deneuve dans son long manteau rouge, l’attirante mezzo-soprano prend sa destinée en main avec élégance et une vraie beauté vocale : avec les années, sa voix a développé un timbre plus profond et chaleureux. Elle parvient à donner à son personnage une grâce féminine bouleversante et addictive. Avec Matthew Polenzani qui incarne son Fernand bien-aimé, ils créent une excitation, une explosion électrique, notamment lors de sa dernière tentative pour regagner son amour et le désespoir d’avoir perdu son honneur. Le ténor américain signe une performance brillante. Sa voix glisse avec aisance et sureté dans le belcantode Gaetano Donizetti, sans legatiforcé ou crescendopressé. Mariusz Kwiecien incarne Alphonse XI, un personnage plutôt étrange entouré d’une cour qui l’est plus encore. Il signe une belle performance mais ne parvient pas tout à fait à montrer sa force. Alors que Mika Kares joue un abbé incontrôlable et atypique, il attire reconnaissance et honneur de par sa haute stature et sa basse profonde. Il doit jeter des chaises ou errer sans but sur scène, mais regagne le respect dès qu’il ouvre la bouche.

Karel Mark Chichon fait équipe avec sa femme Elena Garanca dans une interprétation musicale mesurée. Il évite tout éclat lourd ou pesant. Il laisse les musiciens jouer de façon plutôt vivante dans un flot constant. L’un des avantages de la mise en scène est par ailleurs l’absence de longues interruptions pour les changements de décors : le saut rapide vers la dernière image, soutenu par la sonorité impressionnante de l’orgue, donne la chair de poule, suivi par des moments touchants remplis de drame lyrique entre le couple amoureux, que le chef d’orchestre suit avec grâce.

Une interprétation musicale parfaite et la performance des chanteurs rattrapent la mise en scène banale et peu inspirée et fait de cette nouvelle production un succès. Les bravi destinés aux artistes témoignent de l’élaboration musicale des coïncidences tragiques et du résultat final de cette touchante histoire d’amour.

traduction libre de la chronique d'Helmut Pitsch

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