Tristan et Isolde au Teatro San Carlo de Naples

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Le Teatro San Carlo et la ville de Naples sont tous deux très liés à l'histoire de l'opéra à travers les siècles. C'est ici que ce genre bien particulier a été créé, dont on entretient aujourd'hui encore la mémoire à travers un très haut niveau de tradition et d'éducation lyriques. Et si le théâtre napolitain traverse une lourde crise économique ces dernières années (il a notamment été l'objet d'un jeu d'influences politiques), il demeure un joyau architectural qui attire toujours autant l'oeil.

Le célèbre chef d'orchestre indien Zubin Mehta dirige ici l'un de ses opéras favoris, Tristan et Isolde de Richard Wagner, pour la première fois dans le théâtre au détour d'un concert de la troisième Symphonie de Mahler. Fort d'une distribution prestigieuse, les places du spectacle se sont vendues à guichet fermé dès l'ouverture de la billetterie, et la salle se retrouve emplie de l'élégante société napolitaine, parsemée de bon nombre d'afficionados internationaux. La production, signée du catalan Llois Pasqual, est un remake d'une précédente mise en scène de la fameuse épopée romantique de Wagner, présentée pour la première fois en 2004 et portée alors par une distribution toute aussi remarquable.

Violeta Urmana est de retour dans l'un de ses rôles phares, et incarne ici une Isolde dramatique et pleinement présente. Sa voix de soprano dévoile avec polyvalence de belles capacités, tant qu'elle ne force pas dans les forte ou dans certaines hauteurs. Quelques écarts apparaissent parfois dans la flexibilité de son chant et dans les legato.
Torsten Kerl est un Tristan jeune et lyrique : si sa voix manque par moments de volume, elle demeure sûre et précise. Il canalise parfaitement toute son énergie, qu'il libère brillamment lors de la dernière scène, maitrisant un troisième acte très technique et exigeant.
Stephen Milling convainc dans le rôle du Roi Marke : d'un beau volume, sa voix sombre et pénétrante est emplie de désespoir.
Jukka Rasilainen apparaît comme un Kurwenal très présent, à la fois charmant et endurant. Lioba Braun accompagne Isolde et plante une Brangäne influente mais attentionnée. Chaleureuse et avisée, ses remarques et ses avertissements se superposent avec le duo amoureux formé par Tristan et Isolde.

Tout le mystère de cette idylle se déroule dans un environnement aux allures méditerranéennes et au cadre merveilleux (signé Ezio Frigerio), tantôt en bord de mer, tantôt sur les flots. Pendant le premier acte, nous rencontrons les différents protagonistes sur le pont d'un bateau nordique, voguant sur les vagues. De retour sur la terre ferme, on profite d'une vue panoramique de la côte, au coucher comme au lever de soleil, les vagues scintillantes sous ses rayons. Dans une crique cachée, des cyprès servent de refuge aux deux amoureux.
Enfin, nous nous retrouvons dans un carrosse transparent au design épuré,  les voiles flottant doucement au vent, dévoilant une fois encore une vue pittoresque de la surface de la mer inondée de soleil. Isolde étreint pour une dernière fois son Tristan mourant, et lui adresse un au revoir touchant et émouvant. Bien maîtrisée, la puissance dramatique de sa voix laisse place à un chant élégiaque déclinant, fort en émotions. Le public, à la fois frappé et enchanté, en frissonne et laisse entendre une gigantesque ovation.

Helmut Pitsch

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