Giuseppe Verdi La Traviata Festival Arena di Verona
Grand finale de la centième édition du festival des Arènes de Vérone avec un casting de stars
C'était sa soirée et les acclamations du public saluaient une performance inoubliable. Anna Netrebko était la grande star d'un spectacle clôturant en apothéose le centenaire du Festival des Arènes de Vérone, particulièrement apprécié du grand public. Là où, il y a 2000 ans, les gladiateurs s’affrontaient pour leur vie, les chanteurs et les musiciens enthousiasment aujourd’hui le public dans des décors et des mises en scène spectaculaires. En 1913, à l'occasion du centenaire de la naissance de Giuseppe Verdi, son opéra Aida était donné le 10 août et marquait la renaissance du monument antique en tant que grande scène d'opéra et de concert en plein air à l'acoustique impressionnante. De juin à septembre, des représentations d'opéra ont lieu presque tous les jours et jusqu'à 22 000 spectateurs peuvent assister à l'expérience. Les représentations d'Aida de Vérone avec des éléphants et des chameaux vivants dans un décor égyptien antique sont légendaires. Et cette année, Vérone et le public international de l'opéra célébraient le centenaire du festival.
C’est avec La Traviata de Giuseppe Verdi dans la mise en scène de Franco Zeffirelli que s’achève cette édition du centenaire, le temps d’une soirée mémorable tant pour les yeux que pour les oreilles. Avant que l'orchestre n'entre en scène sur des notes délicates, le public assiste à un élégant cortège funèbre composé d'une calèche et d'un cheval noir. Avec inspiration et émotion, le chef Marco Armiliato dirige le grand orchestre du festival à travers l'ouverture de l’ouvrage, qui préfigure l'histoire d'amour tragique de Violetta Valery. En tant que courtisane, elle vit somptueusement dans un palais parisien. Franco Zeffirelli a imaginé ici une construction scénique réaliste, dont chaque détail est finement élaboré. Les costumes de Maurizio Millenotti sont tout aussi savoureux et s'inspirent de la mode du début du XIXe siècle. Le lieu de fuite à la campagne du couple d'amoureux est parfaitement évocateur. Un étonnement respectueux salut le décor suivant du somptueux palais de Flora Bervoix. Un rêve pour les amateurs de tradition opératique et de mise en scène opulente. La production est la dernière réalisation de Franco Zeffirelli avant sa mort et le metteur en scène montre ici son habileté à définir les espaces et plus encore à les habiter. La manière dont il dirige les scènes de foule reste impressionnante, les protagonistes sont tous parfaitement identifiables, le vaste chœur s'y intègre harmonieusement en peu de mouvements tout en étant bien réparti sur la grande scène des Arènes, ponctuée d’événements secondaires qui ne détournent pas l’attention. Roberto Gabbiani a parfaitement préparé le Coro della Fondazione Arena di Verona, presque chaque phrase est intelligible tant les voix sont homogènes, et les interventions et les modulations de volume sont précises. Même depuis la fosse, Marco Armilliato assemble habilement les instruments et les voix.
La Traviata, Anna Netrebko, Freddie de Tommaso - Festival des Arènes de Vérone 2023 (c) Ennevi
Ce sont néanmoins les solistes de la soirée qui focalisent toute l’attention. Pour cette reprise du rôle de Violetta après l’avoir longtemps abandonné, Anna Netrebko expose toute la maturité de sa voix, dont la profondeur gagne en expression, affichant autant d’assurance que d’agilité dans les aigus. Sur un plan théâtral, elle fait montre de tout son talent dans l'interprétation des sentiments et des ambiances, tantôt fragile quand son amour s’épanouit avec dévouement, tantôt fière et honorable quand elle se dresse contre le père de son amant. Dans les derniers instants de celle qui se sait vouée à un destin funeste, elle incarne de façon impérieuse la grandeur et le pardon, touchant le sentiment d’inéluctable et de mort. Le public est subjugué et doit digérer pendant quelques instants ce à quoi il vient d’assister. Avec Freddie de Tommaso, Anna Netrebko a pour partenaire un Alfredo tout aussi convaincant. Sa voix de ténor a gagné en éclat et en assurance, il sait agrémenter ses airs de legati riches et se montre plus à l’aise sur scène. Luca Salsi est un père Germont habitué de la scène et sait imposer une atmosphère grâce à un baryton riche, chaleureux et coloré. Ainsi, sa rencontre fatidique avec Violetta devient l’un des nombreux temps forts de cette soirée : il sait déployer toute l’émotion de son histoire familiale et parvient à toucher le cœur de la sensible amante de son fils pour obtenir son incommensurable sacrifice, dont l’issue tragique émeut les spectateurs. Les comprimari ne sont pas en reste et se révèlent convaincants dans tous les autres rôles, à commencer par Yao Bohui dans le rôle d'Anina et Sofia Koberidze dans celui de Flora Bervoix.
Lors des applaudissements plus que nourris, le public fait la démonstration de son enthousiasme. Une fois de plus, Vérone propose du grand opéra et réjouit un nombre impressionnant de spectateurs dans des Arènes combles. Une conclusion digne d’un grand festival international.
traduction libre de la critique d'Helmut Pitsch
Vérone, 9 septembre 2023
La Traviata aux Arena di Verona, du 8 juillet au 9 septembre 2023
12 septembre 2023 | Imprimer
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