Premier festival de musique baroque des Andelys au secours de l’orgue de l’église Saint-Sauveur

Xl_premier-festival-de-musique-baroque-des-andelys-2024 © Aurelien Pfeffer

Grand facteur d’orgues de la Normandie du XVIIe siècle, on doit à Robert Ingoult les instruments de nombreuses églises et abbayes normandes. L’orgue de l’église Saint-Sauveur du Petit Andelys est du lot : érigé en 1674 (initialement dans l’abbaye du Trésor-Notre-Dame non loin de Caen, avant d’être déplacé dans l’église andelysienne pour le préserver lors de la Révolution), l’instrument conserve encore aujourd’hui un intérêt historique et musical exceptionnel puisque la quasi-totalité de son matériel sonore est d’origine – qui vaut à l’instrument d’être classé au titre des monuments historiques. Du haut de ses 350 ans cette année, l’orgue de l’église Saint-Sauveur est néanmoins menacé par la « lèpre de l’étain » (une oxydation de sa tuyauterie), et autant pour marquer le vénérable anniversaire que pour lever les fonds qui permettraient sa restauration (de l’ordre de 700 000 euros tout de même), le premier Festival de Musique Baroque des Andelys est organisé au cours de ce mois de juin 2024 et propose trois concerts de musique baroque dans l’église Saint-Sauveur du Petit Andelys et dans l’abbatiale Notre-Dame du Grand Andelys.

En ouverture du Festival, l’église Saint-Sauveur accueillait ce dimanche 2 juin l’ensemble Orion276 emmené par Fabien Desseaux à l’orgue et l’épinette aux côtés de la mezzo-soprano Adèle Boxberger et de la violoniste Laura Sophie Von der Goltz, dans un programme enlevé de musique baroque, tantôt sacrée (donnée en tribune de l’orgue), tantôt profane à son pied.

Après un Erbarm dich mein, o Herre Gott de Bach en liminaire ayant permis aux interprètes de chauffer leur instrument – d’abord à l’orgue en solo, puis en trio révélant notamment le mezzo riche et profond d’Adèle Boxberger – le cœur de cette première partie de programme repose néanmoins sur le Nisi Dominus de Vivaldi (le mouvement Cum dederit) : la psalmodie est sublime d’émotion, à la fois dense et empreinte d’une gravité qui gagne en intensité au gré de l’interprétation des trois musiciens – sans doute encore renforcée par le cadre de la petite église gothique. Ensuite, le crescendo se poursuit dans une belle projection avec la cantate Singet dem Herrn de Dietrich Buxtehude, soulignant l’exaltation du chant et de la musique.

En deuxième partie, composée cette fois d’œuvres profanes, Adèle Boxberger interprète Une jeune fillette de Jehan Chardavoine, ce « tube » de la Renaissance qui connaitra une grande popularité au XVIe siècle – si bien que la partition de ce chant initialement grivois sera recyclée pour devenir un cantique religieux. Forte d’une diction exemplaire, la mezzo déploie un chant diaphane, restituant toute la mélancolie teintée d’espoir de la partition. Music for a while, de Purcell, est ensuite l’occasion d’un bel échange entre la chanteuse et Fabien Desseaux à l’épinette (malgré un instrument accordé de façon un peu aléatoire) : la voix et l’instrument se répondent, rebondissent et se relancent mutuellement. De même dans la Première Sonate pour le viollon et le clavecin de d’Elisabeth Jacquet de la Guerre (ouvrage qui vaudra à la compositrice les compliments de Louis XIV), entre Laura Sophie Von der Goltz et Fabien Desseaux, qui offre une belle écoute réciproque entre les deux instrumentistes. La soirée se conclut avec un Chi diesa di saper de Francesca Caccini particulièrement enlevé, dans lequel Adèle Boxberger insuffle néanmoins une délicatesse et une musicalité bienvenues dans cette ode à l’amour parfois interprétée de façon bien plus tranchante – l’ouvrage définit l’amour au travers de « l’ardeur, la douleur et la peur ».

Ce premier concert de ce premier Festival de Musique Baroque des Andelys offre une entrée en matière savoureuse, qui se poursuivra ce dimanche 9 juin à 17h de nouveau dans l’église Saint-Sauveur avec un récital de Benjamin Alard à l’orgue et au virginal, cet instrument de la famille des instruments à clavier et à cordes pincées, dans un programme d’œuvres de François et Louis Couperin. Le dimanche 30 juin à 17h, la collégiale Notre-Dame du Grand Andelys accueillera enfin l’Ensemble Correspondances de Sébastien Daucé pour son concert Secret des Dames articulé autour des « Dames de Ferrare » qui chantaient à la cour du Duc Alfonso II à la fin du XVIe siècle, tout en s’accompagnant à l’épinette, au luth et à la viole. On ne peut que souhaiter que cette édition 2024 du Festival soit la première d’une longue série.

Aurelien Pfeffer
Les Andelys, 2 juin 2024

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