Un triomphe public a accueilli cette série de représentations du Songe d’une nuit d’été à l’Opéra de Lille. La presse a salué l’une des plus belles productions récentes de l’opéra de Benjamin Britten et nombreux y ont vu un accomplissement pour le metteur en scène Laurent Pelly.
Les raisons de ce succès sont nombreuses. L’ouvrage de Britten (créé en 1960 au Festival d’Aldeburgh) est tout d’abord une merveille de l’opéra moderne. L’adaptation de la pièce de Shakespeare regorge de lyrisme et de poésie, tout en restant parfaitement lisible pour le bon déroulé de l’action. Dès le prélude, Britten installe une atmosphère de féerie, comme peu d’ouvrages du répertoire savent l’installer. Allons même plus loin: le Songe d’une nuit d’été, est peut-être avec Carmen ou La Flûte enchantée, l’un des ouvrages idéaux pour emmener un novice pour la première fois à l’opéra.
La réalisation musicale à l’Opéra de Lille ne souffre d’aucun reproche. À la tête d’un excellent Orchestre National de Lille et d’un très bon Jeune chœur des Hauts-de-France, Guillaume Tourniaire réussit des prodiges de nuances et de continuité dramatique. Dans les rôles des personnages féériques, Nils Wanderer et Marie-Eve Munger impressionnent. Le premier déploie une voix veloutée et envoûtante en Oberon et la seconde éblouit par ses coloratures étincelantes. La comédienne et danseuse Charlotte Dumartheray brosse également un étonnant Puck, à la fois insolente et inquiétante (loin du gamin cockney qu’on entend parfois Outre-Manche). En Bottom, Dominic Barberi donne joliment de sa belle voix grave, tout comme le Quince de David Ireland charme par son abattage comique. Il n’y a pas non plus de maillon faible parmi le quatuor d’amoureux humains : David Portillo (Lysander), Antoinette Dennefeld (Hermia), Charles Rice (Demetrius) et Louise Kemeny (Helena). Cette dernière tire peut-être encore mieux son épingle du jeu en raison de l’agilité de sa voix et de son explosivité scénique.
Car si la mise en scène Laurent Pelly réussit de saisissants moments de suspension (Obéron et Puck, manipulés par des techniciens invisibles, survolent la fosse comme des fées) dans des lumières magiques (Michel Le Borgne), le spectacle peine à changer ses humeurs. Le conte de Shakespeare est certes vu dans sa dimension nocturne, mais plus à la manière d’une bataille d’oreillers dans un pensionnat ou une pyjama party parmi des collégiens. Les chanteurs passent leur temps à courir comme des enfants et un hiatus intervient rapidement entre cette suractivité corporelle et la nudité scénique des décors. La frontière shakespearienne entre tragique et comique s’estompe et la direction d’acteurs, certes fine et ouvragée, donne un caractère outré et attendu aux dialogues. Il manque une certaine mélancolie, un zeste de folie et d’originalité à ce spectacle trop sympathique. Le troisième acte avec la représentation drolatique de la troupe de théâtre confirme cette volonté d’éviter les abîmes et tire vers l’opérette bon enfant et bourgeoise.
Mais pourquoi bouder son plaisir ? Le public lillois ne l’a pas fait et a accueilli ce spectacle avec enthousiasme. À noter que la représentation du 20 mai est retransmise gratuitement dans une vingtaine de lieux dans les Hauts-de-France (cinémas, théâtre et sur la Place du Théâtre à Lille).
Laurent Vilarem
Opéra de Lille, 9 mai 2022
Le Songe d'une nuit d'été à l'Opéra de Lille, du 6 au 22 mai 2022
Crédits photos © Simon Gosselin
14 mai 2022 | Imprimer
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