Chaque année depuis quarante-sept ans, au beau mois de mai, l’Opéra national de Macédoine du Nord (basé à Skopje, sa capitale) offre aux macédoniens (mais aussi à des touristes toujours plus nombreux…) un festival d’art lyrique. Fait inhabituel (les ouvrages retenus ne font l’objet que d’une seule représentation), le titre qui a ouvert le festival le 9 mai - Aïda de Giuseppe Verdi - l’a également clôturé, le 31. Entre ces deux dates, ce sont des ouvrages tels que Rigoletto, Lucia di Lamermmoor, La Bohème, Traviata, Le Lac des Cygnes ou encore une représentation (sur écran géant et en plein air) d’Anna Bolena en direct de l’Opéra de Vienne, qui ont émaillé les douces nuits skopiotes. La directrice artistique de la manifestation balkanique - Mme Bisera Chadlovska (également chef d'orchestre émérite dans son pays) - a mis les petits plats dans les grands en invitant la géniale production imaginée par Alfonso Antoniozzi, régie que nous avions eu la chance de découvrir à sa création au Teatro Carlo Felice de Gênes en décembre dernier. Las, si les costumes (conçus par Anna Biagiotti) et les chorégraphies (de Luisa Baldinetti) ont été conservés, nous n’avons en revanche pas retrouvé la direction d’acteurs de l'italien (qui n’est d'ailleurs même pas cité dans le programme de salle…), ni surtout la totalité des merveilleuses images vidéos de Monica Manganelli, qui faisaient pourtant tout le sel de la production, comme nous l’avions alors souligné…
Las encore, le plateau vocal ne répond qu’imparfaitement à nos attentes ainsi qu’aux exigences du chant verdien. Comme souvent, c’est Amnéris qui remporte la palme (et tire le mieux son épingle du jeu ce soir...), incarnée par la mezzo ouzbèque Irina Dolzhenko. La voix n’est pourtant pas immense, mais elle offre une bien belle scène du jugement, avec des inflexions où la femme amoureuse prend le pas sur la mégère jalouse chère à beaucoup de mezzos. Dans le rôle-titre, la grande soprano russe Olga Romanko (que nous avons tant admirée au début des années 2000) accuse malheureusement désormais une certaine usure des moyens, repérable dans le manque d’homogénéité entre les registres, mais l’interprète distille encore beaucoup d’émotion avec ce personnage qu’elle a interprété tant de fois sur scène. Rien à sauver, en revanche, chez Radamès. Affligé d’un cheveu sur la langue, d’un format vocal limité, de problèmes de souffle, de justesse dans l’aigu, et de nombreux problèmes d’intonation, le ténor macédonien Gjorgji Cuchovski est une des pires choses que nous ayons jamais entendues, au point de donner l’envie de prendre ses jambes à son cou à la moindre de ses apparitions ! C’est d’autant plus frustrant que la première distribution (entièrement différente) du 9 juin affichait rien moins que le ténor franco-tunisien Amadi Lagha dans ce même rôle, chanteur qui nous avait littéralement scotchés dans celui de Calaf en début de saison à l’Opéra de Toulon. Doté d’une voix particulièrement sonore et parfaitement maîtrisée, le baryton italien Angelo Veccia parvient à voler la vedette à Aïda dans leur duo du III. Avec une émission typiquement salve, et donc un peu gutturale, les basses macédoniennes Aleksandar Stefanoski (le Roi) et Vladimir Sazvovski (Ramfis) n’en sont pas moins très efficaces dans leurs parties respectives, tandis que le Messager de Dejan Stoev est à oublier, a contrario de la Prêtresse d’Aleksandra Lazarovska qui distille des aigus lumineux et diaphanes dans sa (trop) brève partie.
Si l’Orchestre de l’Opéra national de Macédoine du Nord met un peu de temps à se chauffer et à se coordonner (dans l’Ouverture…), il donne par la suite le meilleur de lui-même sous la direction du chef bulgare Dian Tchobanov. Sa baguette équilibrée ne cède jamais à la tentation d’écraser les solistes sous la masse sonore dans les finales, et sait faire vibrer les moments d’intimité et de passion avec beaucoup de sensibilité.
L’essai demandant à être transformé, nous reviendrons, d’autant que Skopje possède bien du charme…
Aïda de Giuseppe Verdi à l’Opéra national de Macédoine du Nord, le 31 mai 2019
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