Après Leeds, Montpellier reprend Aïda selon Annabel Arden

Xl_a_da___montpellier © Marc Ginot

Quel bonheur de retrouver – en ouverture de saison 22/23 de l’Opéra Orchestre National Montpellier Occitanie, trois ans après sa création au Town Hall de Leeds à laquelle nous avions eu la chance d’assister –, la très originale mise en scène d'Aïda, imaginée par Annabel Arden pour Opera North. Outre l'indispensable transposition à notre époque tourmentée, la principale idée a été, à Leeds comme à Montpellier, de placer l’orchestre sur scène tandis que la fosse a été couverte, cet espace servant d’étroite aire de jeu aux chanteurs. Le chœur est lui relégué côté cour, derrière l’orchestre, tandis qu’à jardin est placée une petite estrade d’où Le Roi et Ramphis s’expriment parfois, et au-dessus de laquelle est placé un grand écran recevant les images vidéo que nous avions décrites dans notre précédente recension. Qu’ajouter à nos propos d’alors ? Que l’immensité du plateau montpelliérain est moins propice à l’émotion, qui nous avait étreint dans l’espace confiné et majestueux du hall central de la mairie 19e de la cité anglaise, avec une proximité qui nous reliait plus directement aux chanteurs, mais le son se déploie en revanche beaucoup mieux ici. 

L’équipe vocale réunie par Valérie Chevalier soutient la comparaison avec celle ayant étrenné la production à Leeds. Dans le rôle-titre, la soprano coréenne Sunyoung Seo séduit, au premier abord, par son timbre opulent, et par sa présence frémissante, tour à tour fragile et conquérante. Par malheur, tous les aigus émis forte se montrent stridents et criés (et, du coup, faux), ce qui entache une prestation par ailleurs remarquable d’engagement scénique et vocal. En revanche, rien de tel avec le Radamès du ténor franco-tunisien Amadi Lagha, dont la puissance et la largeur vocales s’accompagnent d’une parfaite justesse d’émission. Rarement le fameux air « Celeste Aïda » aura été délivré avec une vaillance aussi inépuisable. On souhaiterait pourtant ce supplément de musicalité qui fait les interprètes de premier rang – et qui fait notamment défaut dans le duo final. On regrette également que l’acteur soit si gauche, ne sachant jamais trop que faire de son corps, ni où porter les yeux. L’excellente mezzo géorgienne Ketevan Kemoklidze se révèle souveraine en Amneris, avec son superbe registre grave et ses aigus brillants, qui lui permettent d’apporter à la grande scène du jugement des accents flamboyants, en même temps que de subtiles nuances. En Amonasro, le baryton coréen Leon Kim rallie également tous les suffrages, avec ses accents authentiquement verdiens : un legato parfait, un grain de voix dense, et une profonde intimité avec son personnage. De leurs côtés, Jean-Vincent Blot est un Roi aux inflexions graves d’une largeur inusitée, et Jacques-Greg Belobo un Ramfis au timbre d’une envergure saisissante. Avec sa voix puissante et bien timbrée, le jeune ténor Yoann Le Lan donne un relief inhabituel au Messager tandis que Cyrielle Ndjiki Nya campe une magnifique Voix du ciel, grâce à son soprano plein et lumineux. Quant aux chœurs conjugués des Opéras de Nice et Montpellier, ils impressionnent par la cohésion et l’impact dont ils font preuve.

Sous la baguette du chef letton Ainars Rubikis (directeur musical de la Komische Oper Berlin), l’Orchestre National Montpellier Occitanie sonne glorieusement, et sa direction capte également avec justesse chaque atmosphère, en restituant à la phrase verdienne son naturel, sa chaleur et sa sincérité - des qualités qui semblent avoir sur le public un grand effet puisqu’il lui adresse des vivats nourris au moment des saluts.

Emmanuel Andrieu

Aïda de Giuseppe Verdi à l’Opéra Berlioz de Montpellier, jusqu’au 4 octobre 2022

Crédit photographique © Marc Ginot
 

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