C’est un beau succès public que vient couronner, au rideau final, cette production de Turandot de Giacomo Puccini, coproduite avec les Chorégies d’Orange, où le spectacle avait été présenté durant l’été 2012 (avec Roberto Alagna en Calaf). Le metteur en scène marseillais Charles Roubaud et son décorateur Dominique Lebourges ont bien sûr revu leur travail pour l’adapter aux dimensions de la scène phocéenne. La scénographie conserve, dans ce cadre resserré, toute sa splendeur : une coursive traverse l’espace scénique à mi-hauteur, lieu de vie des dignitaires, tandis que le peuple se masse en contrebas, brutalisé de manière permanente par les sbires aux ordres de la princesse de glace. Turandot apparait dans une magnifique sphère de métal ouvragée et protectrice, dont elle finira par sortir, pour passer du rang de princesse inaccessible à celui de femme amoureuse. Les éclairages (signés par Marc Delamézière) contribuent à la beauté visuelle du spectacle, marquée également par la sobriété des costumes (conçus par Katia Duflot) qui suggèrent efficacement, sans chercher à la reconstituer, une Chine ancestrale.
Grande habituée de la scène phocéenne, la soprano autrichienne Ricarda Merbeth se confirme comme l’une des meilleures Turandot du moment, impérieuse, impétueuse mais également ensorcelante, projetant des aigus arrogants comme autant de lames effilées et tranchantes. Autre habituée des lieux, Ludivine Gombert n’enthousiasme pas moins dans le rôle de Liu : sa voix bien timbrée remplit la salle, éthérée sur la fin de « Signore, ascolta », délicate et émouvante dans « Tu, che di gel sei cinta ». En excellente forme, le ténor italien Antonello Palombi chante Calaf (en remplacement de Rudy Park, initialement annoncé) avec une assurance parfaite et une projection glorieuse, sans pour autant négliger les demi-teintes dans le fameux « Nessun dorma ». Jean Teitgen est un Timur sobre, Rodolphe Briand un Altoum plein de santé, tandis que le trio de Ministres (Marc Larcher, Armando Noguera et Loïc Félix) frappe par la cohésion de trois timbres magnifiques. Quant au chœur maison, il se hisse sans peine au rôle de protagoniste par la finesse de ses intonations et sa ferveur vocale.
En fosse, le chef italien Roberto Rizzi Brignoli dirige un Orchestre phiharmonique de Marseille qu’il maîtrise bien et qu’il fait sonner superbement, dans un ouvrage qu’il connaît visiblement sur le bout des doigts. Il peut ainsi partir à la recherche d’alliages de timbres rares, notamment dans un début de troisième acte de toute beauté.
Signalons, en guise de conclusion, que Maurice Xiberras vient tout juste d'annoncer une éclectique (et alléchante) saison 19/20 !
Turandot de Giacomo Puccini à l’Opéra de Marseille, jusqu’au 5 mai 2019
Crédit photographique © Christian Dresse
03 mai 2019 | Imprimer
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