Célèbre pour ses pistes de skis, la petite ville de Gstaad, située dans l’Oberland bernois, est aussi un havre pour le mélomane. Chaque été, étalé sur sept semaines, le Gstaad Menuhin Festival – qui fête ses 60 ans cette année - accueille les plus grands solistes instrumentaux internationaux, comme Maxim Vengerov, Fazil Say, Bertrand Chamayou ou encore Lang Lang, lors de cette édition 2016. Les grandes voix y ont aussi toute leur place, et après Cecilia Bartoli l'an passé, c'est à une soirée lyrique réunissant Bryn Terfel et Anja Harteros dans des airs et duos tirés d'Otello de Verdi et de Tosca que nous devions assister... devions car, las, une fois de plus, la soprano allemande a déclaré forfait à la dernière minute... Mais on fait les choses bien, à Gstaad, et c'est une remplaçante de luxe que le festival a su trouvé en la personne d'Angela Gheorghiu, d'autant que la soprano roumaine s'est surpassée comme jamais lors de ce gala, galvanisée par le défi à relever comme par la mirifique baguette du chef italien Gianandrea Noseda, placé à la tête d'un London Symphony Orchestra tour à tour caressant, rutilant ou chatoyant.
Après une ouverture des Vêpres Siciliennes de Verdi où nous avons pu juger de leur grande forme respective, l'ogre gallois est entré seul dans l'arène pour un Credo tout en hargne et en fureur, à glacer les sangs, antithèse de son Falstaff bonhomme un mois plus tôt au Festival de Verbier. Son timbre, ses talents de diseur, ses mimiques font ici merveille et rendent justice au personnage maléfique imaginé par Shakespeare. L'arrivée d'Angela Gheorghiu suscite ensuite des glapissements de satisfaction parmi le public. Après un clin d'œil complice avec le chef, elle s'attaque à la fameuse Chanson du saule. Toujours aussi magnifique, la voix s'est même enrichie de nouvelles couleurs, et l'on ne peut que continuer à s'incliner devant les pianissimi éthérés - une des grandes caractéristiques de la diva roumaine –, distillés notamment dans un Ave Maria à faire pleurer les pierres.
La seconde partie de soirée est consacrée à un autre chef d'œuvre du répertoire : Tosca de Giacomo Puccini. La premier extrait n'est autre que le saisissant Te Deum où, là encore, Bryn Terfel fait sensation en composant un personnage terrifiant de noirceur et de cynisme, à l'instar de son incarnation scénique la saison dernière à l'Opéra de Monte-Carlo. La voix n'est pas en reste qui nourrit une ligne sinueuse, d'une admirable malléabilité. Dans le duo de l'acte II qui suit, c'est Angela Gheorghiu qui prend le dessus, grâce aux accents impérieux, autoritaires, justement dramatiques, dont elle pare sa Floria Tosca. Elle offre un riche portrait vocal de son personnage, mêlant en un bel équilibre souci du phrasé, legato et mezza voce. Somptueuse, la voix fait ensuite valoir – dans la célèbre prière de Tosca « Vissi d'arte, vissi d'amore » - ses assises, son ampleur et ses couleurs (moirées). C'est seule qu'elle revient pour interpréter la scène finale, dans laquelle son tempérament dramatique de feu soulève l'enthousiasme du public sitôt après les dernières paroles de l'héroïne - « O Scarpia, avanti a Dio ! » -, proférées avec toute l'énergie du désespoir possible. Malgré les trépignements de l'audience, il n'y aura pas de bis...
En guise de conclusion, un petit mot sur la conférence de presse qui s'est tenue quelques heures plus tôt afin de dévoiler le nom du nouveau chef principal du Gstaad Festival Orchestra (GFO). Succédant à Neeme Järvi, c'est le chef néerlandais Jaap van Zweden – futut directeur musical du New York Philharmonic (à partir de 2018) - qui assumera désormais ces fonctions.
Bryn Terfel et Angela Gheorghiu dans des extraits d'Otello de Verdi et de Tosca de Puccini au Festival Menuhin de Gstaad, le 28 août 2016
Crédit photographique © Raphaël Faux
01 septembre 2016 | Imprimer
Commentaires