De luxueuses Noces de Figaro à l'Opéra national de Finlande

Xl_le_nozze_di_f © Heikki Tuuli

Cela fait parfois du bien de voir un opéra en costumes - et dans une scénographie - d'époque, et c'est le cas plutôt deux fois qu'une avec ces Noces de Figaro de W. A. Mozart, telles que données à l'Opéra national de Finlande dans une mise en scène d'Anna Kelo, régisseuse (re)connue dans le Pays au cent mille lacs. Dans un palais somptueux plus vrai que nature, qui devient un personnage principal ici, rien de futile pourtant. Les nombreuses portes qui claquent sans cesse, ouvrant sur des coulisses où l'on devine un monde en marche, sont autant de battements qui illustrent le mouvement de la « folle journée ». Et à l'intérieur, des personnages vibrants, d'une sensualité et d'une jeunesse qui font croire à toutes les aventures. Figaro et le Comte sont également beaux d'allure, la Comtesse et Suzanne également désirables : l'ambiguïté mozartienne est respectée...

Regroupant l'élite de la nouvelle génération des chanteurs finlandais, la distribution est une réussite tant dans la cohérence des ensembles que dans le soin de détails entretenus par de fortes personnalités. Jussi Merikanto offre une voix puissante, avec le grain rustique et la mobilité expressive qui suggèrent la vitalité instinctive du personnage de Figaro. De son côté, Jaako Kortekangas possède le timbre velouté et l'élégance sourcilleuse propres au Comte Almaviva, auquel la Comtesse de Mari Palo répond par une voix plus charnue, mais régulière, lumineuse et chargée des pulsions que la voix si lisse de son mari lui refuse. Le gentil minois et la fine silhouette de Hanna Rantala la destinent particulièrement au rôle de soubrette. Sa voix tour à tour charmeuse et énergique, appuyée sur une diction claire et un vibrato bien dosé, étoffe le discours d'une Suzanne souveraine.

Dans le rôle de Cherubino, Erica Back se montre constamment en émoi (et les mains sans cesse baladeuses) ; elle possède l’agilité du rôle et l’espièglerie d’une jeunesse assumée, et, grâce à son timbre brillant et sa voix expressive, sait délivrer un « Non so più » haletant. Les seconds rôles, souvent parents pauvres des Noces, accueillent une Marcellina (Anu Ontronen) qui ne démérite pas (mais à laquelle on a enlevé l’air du IV), aux côtés d’un impressionnant Bartolo (la basse Koit Soasepp). On n’oubliera pas non plus l’Antonio de Nicholas Söderlund : dix minutes lui suffisent à rendre inoubliable son personnage aussi bourré que bourru. De leurs côtés, Petri Bäckström (Don Basilio) et Aki Alamikkotervo (Don Curzio) s’acquittent avec brio de leur partie. Quant à la jeune Margarita Nacér, elle enchante dans le rôle de Barberina, l’émotion du sublime « L’ho perduto » étant bien au rendez-vous.

A la tête de l'Orchestre de l'Opéra National de Finlande, la cheffe finnoise Kristiina Poska, attentive aux moindres inflexions du génie mozartien, souscrit avec raffinement à ce qui pourrait être la devise d'Anna Kelo pour ce tableau de feintes et de mensonges : « D'un pinceau délicat l'artifice agréable, du plus affreux objet fait un délice aimable ».

Emmanuel Andrieu

Les Noces de Figaro de W. A. Mozart à l'Opéra National de Finlande, jusqu'au 3 novembre 2016

Crédit photographique © Heikki Tuuli

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