Edgardo Rocha aux Chorégies d'Orange : une voix d'exception

Xl_edgardorocha © DR

Entre les deux grands titres lyriques de l’édition 2018Mefistofele de Boito et Il Barbiere di Siviglia de Rossini – les Chorégies d’Orange proposent également pas moins de quatre récitals lyriques avec des artistes de la trempe de Karine Deshayes, George Petean, Eva-Maria-Westbroek ou encore – et c’est lui qui nous intéresse présentement – Edgardo Rocha. D’origine uruguayenne, ce jeune ténor se consacre en premier lieu au répertoire rossinien (on a pu l’entendre dernièrement dans le rôle de Ramiro dans La Cenerentola de Rossini à l’Opéra de Monte-Carlo), tout en abordant avec sagesse certains ouvrages de Mozart (Cosi fan tutte) et Donizetti (Don Pasquale). Depuis quelques années, il se produit régulièrement aux côtés de Cecilia Bartoli – dans la production précitée, mais aussi dans Otello de Rossini à l’Opéra de Zurich en 2012 ou encore dans L’Italienne à Alger au dernier Festival de Pâques de Salzbourg –, et il la retrouvera en août prochain, à ce même festival, pour Il Turco in Italia.

Avec une voix typique de tenore di grazia, il ouvre justement son récital – dans la Cour Saint-Louis à Orange – avec l’air de Narcisso extrait d'Il Turco in Italia puis celui d’Idreno dans SemiramideLa speranza piu soave »), deux pages dans lesquelles il impressionne par des aigus brillants et d’incroyables sauts de registre. Accablé – comme son excellent pianiste Bernardo Aroztegui – par la chaleur de cette fin d’après-midi caniculaire, Edgardo Rocha déploie toutefois des trésors de virtuosité et de musicalité. L’aigu apparaît très assuré, même si la voix ne possède pas encore une largeur importante. Les mélodies espagnoles qui viennent ensuite – d’Oubradors ou de Ginastera par exemple – démontrent les qualités de musicien du chanteur, et surtout son expressivité manifeste. Pianiste émérite (ce qu’il confirmera avec un bis d’une zarzuela espagnole pour laquelle il s’accompagne lui-même), diplômé de direction de chœurs et d’orchestre, l’urugayen est décidément un artiste complet : il sait amuser le public avec l’air de Peppe tiré de Rita ou le mari battu de Donizetti (« Allegro io son ») ou le soulever, comme c’est le cas avec une Danza de Rossini délivrée de manière particulièrement brillante et enlevée ! Dans le répertoire français, il ose aborder l’air fameux et redoutable du Postillon de Longjumeau d’Adam, « Ah mes amis, qu’il était beau », qui demande peut-être plus de délié (mais cela viendra…), puis l’air de Gérald « Fantaisie, Ô divin mensonge » extrait de Lakmé de Léo Delibes interprété dans un français plus que correct, et surtout une parfaite adéquation au style requis. L’air de Ramiro extrait de La Cenerentola, puis une mélodie de Tosti « L’aura separa dalla luce l’ombra » concluent ce trop court récital d’un chanteur aux multiples facettes et à l'authentique talent. Le public français pourra le retrouver sur scène, en novembre prochain à l’Opéra de Marseille, dans La Donna del lago de Rossini auprès de Karine Deshayes… alors vivement... nous y serons !

Emmanuel Andrieu

Edgardo Rocha en récital aux Chorégies d’Orange, le 9 juillet 2018

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