© Stéphane Delavoye
Les Estivales de musique en Médoc, dont le credo est « Le choix de l’excellence, le pari de la jeunesse » et dont on fêtera le vingtième anniversaire l’été prochain, se distinguent par deux caractéristiques originales : la première est de faire découvrir et de servir de tremplin à de jeunes musiciens ou chanteurs, lauréats des plus prestigieux concours internationaux ; la seconde est de permettre le doux mariage de la musique et du vin, chaque propriétaire des châteaux qui accueillent les concerts proposant à l’issue des représentations une dégustation des vins de leur domaine – tous des grands crus classés. Chaque année, Jacques Hubert, président de la manifestation girondine, invite un ou une artiste lyrique, et c’est sur la mezzo française Eva Zaïcik – Révélation lyrique aux Victoires de la Musique classique et Deuxième Prix au Concours Reine Elisabeth de Belgique en 2018 – que son choix s’est porté pour cette dix-neuvième édition. Le concert du vendredi 30 juin a la chance de bénéficier d’une superbe acoustique, grâce aux voûtes en bois du magnifique chai du Château Malleret, à la périphérie de la ville de Bordeaux.
Après Vivaldi aux Musicales du Lubéron il y a deux étés, c’est à Georg Friedrich Haendel qu’est essentiellement consacré le récital de ce soir, troquant au passage l’ensemble Il Pomodoro contre Le Consort, pour l’accompagner musicalement. L’entente n’est pas nouvelle, puisqu’ils ont déjà enregistré deux disques ensemble, avec le sanguin Théotime Langlois de Swarte au violon et le plus posé Justin Taylor au clavecin. Tous les airs retenus ici sont tirés d’opéras composés pour la Royal Academy of music de Londres, autant de succès qui ont marqué la carrière anglaise du compositeur allemand. Dans ce programme, comme c’est toujours le cas avec ce type de récital, les airs chantés sont entrecoupés par des pièces instrumentales, comme le Concerto pour violon HWV288, l’Ouverture de Rinaldo ou la Passacaille HWV432, toutes issues de la main du Caro Sassone, les enchaînements se faisant ici très naturellement et avec beaucoup de fluidité. D’une grande précision dynamique, l’orchestre offre ainsi un parfait écrin à la voix de la chanteuse, plébiscitée il y a seulement un mois dans le rôle de Rosina (Il Barbiere di Siviglia) au Théâtre du Capitole. Eva Zaïcik décline ainsi toute une panoplie d’airs plus magiques les uns que les autres, auxquels la cantatrice prête sa superbe voix de mezzo aux couleurs de cuivre et de bronze. Si elle aborde sans difficulté les airs les plus explosifs, c’est cependant dans la plainte et dans l’élégie qu’elle trouve les accents les plus déchirants. Parmi les premiers, la fureur de Sesto lui donne l’occasion de briller, tout en montrant l’étendue de son souffle avec l’air « Svegliatevi nel core » (extrait de Giulio Cesare), avant un autre du même personnage « L’aure che spira », qui lui permet de faire valoir sa science de la vocalise. Avec l’aria « Cara sposa » (Rinaldo) ou le « Stille amare » extrait de Tolomeo Re d’Egitto, en revanche, elle chante le désespoir et la solitude de l’amant transi avec une ineffable émotion, mais aussi une musicalité de tous les instants, et capte l’attention par ses regards ou ses gestes, toujours naturels et expressifs.
En bis, elle donne le redoutable « Where shall i fly » extrait de Hercules puis le tendre « Ombra mai fù » tiré de Serse (tandis que l’orchestre paie son tribut avec la fameuse Sarabande, immortalisée dans Barry Lyndon de Stanley Kubrick). Des graves de velours du deuxième air, aux aigus éclatants du premier, il n’y a qu’un pas que la chanteuse franchit avec une aisance et un naturel étincelants, confirmant son aura dans ce type de répertoire qui lui sied à merveille.
Récital d’Eva Zaïcik (accompagné par Le Consort) au Château Malleret dans le cadre des Estivales de Musique en Médoc, le 30 juin 2022
Crédit photographique © Stéphane Delavoye
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