Parmi les rares festivals français rescapés de la tragédie (entre autre culturelle…) de la Covid-19 se trouve celui des Musicales du Luberon, toujours disséminées dans les plus beaux villages de la très chic entité géographique hexagonale, dont nous avions déjà rendu compte d’un concert il y a deux étés – une Petite messe solennelle de Rossini au Théâtre des carrières des Taillades. Cette fois, c’est dans l’église (basse) du charmant village médiéval de Bonnieux que nous avons rendez-vous, avec une des plus intéressantes jeunes voix du moment, celle de la mezzo Eva Zaïcik, qui avait remporté la Victoire de la Révélation lyrique de l’année en 2018, et que l’on a pu entendre dernièrement à l’Opéra de Nice dans le rôle de Pauline de La Dame de pique.
Et c’est à un concert 100 % dédié à Antonio Vivaldi qu’elle nous convie, accompagnée par l’excellent ensemble baroque Il Pomo d’oro, dirigé ce soir par la violoniste bulgare Zefira Valova. La soirée débute avec le sublime Nisi Dominus composé par le prete rosso vers 1715, dans lequel la jeune chanteuse excelle aussi bien dans la vélocité des passages rapides que dans les langueurs éthérées des morceaux plus lents. Ainsi en est-il du « Cum dederit », délivré ici avec ses sons filés et tenus, qui enivre l’auditoire. Puis c’est au tour de la formation seule de faire étalage de tout son brio (Dmitris Smirnov et Heriberto Delgado aux violons, Patricia Gagnon à l’alto, Ludovico Minaso au violoncelle, Marie Amélie Clément à la contrebasse et Aapo Hakkinen aux clavecin et orgue positif), en l’occurrence dans le Concerto pour violon, cordes et continuo en ré majeur RV208, dit « Grosso Mogul ». Il permet de faire exploser la folle virtuosité de la cheffe notamment, dont la technique paraît sans limite face à ces cordes doubles, ces figures chromatiques acrobatiques, ces arpèges modulés et cette cadence du finale diabolique ! Puis place à nouveau à la voix, avec trois arie parmi les plus belles du compositeur vénitien, dont le déchirant « Gelido in ogni vena » extrait de Farnace : en plus d’un vrai pouvoir émotionnel, la chanteuse fait preuve d’une superbe leçon de souffle et de grâce. Avec « Agitata infido flatu » tiré de l’oratorio Juditha Triumphans et le « Se lento ancora il fulmine » extrait de l’opéra L'Argippo, Eva Zaïcik met sa voix moirée au service de l’expression de la douceur puis de la fureur. Dans le premier, les volutes soyeuses des cordes sont précises, et le chant est délivré avec un dénuement puissamment expressif où elle transmet une émotion vraie, tandis que le second est habité par une incandescence extrême, grondant d’une violence retenue, qui éclate également dans les fusées mélodiques des cordes.
Une musique de Vivaldi tellement magnifiée par les artistes réunis ce soir que le public ne manque bien évidemment pas de manifester son enthousiasme !...
Eva Zaïcik dans un récital Vivaldi aux Musicales du Luberon, le 31 juillet 2020
Crédit photographique © Emmanuel Andrieu
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