Plutôt éloignée des composantes purement folkloriques habituelles avec ce titre, comme c’était le cas avec le travail de Robert Fortune à Avignon en 2014, la Mireille de Paul-Emile Fourny s'inscrit dans une Provence toute picturale. Entre peinture et aquarelle, en teintes sourdes ou plus affirmées, la scénographie de Benito Leonori se limite presque à l’abstraction et aux symboles, entre une vue stylisée des arènes d’Arles et ces fils rouges tissés par les magnanarelles pour confectionner la robe que porte l’héroïne dans le tableau final, peu avant que les fils de sa vie ne soient coupés par un destin adverse. Scène également bien négociée que celle de l’ensevelissement d’Ourrias dans les eaux du Rhône, ici symbolisée par une troupe de danseurs agitant des voiles qui finissent par engloutir l’un des deux méchants de l’histoire tirée du Miréio de Frédéric Mistral.
Le niveau général du spectacle s’avère remarquable aussi par une équipe de chanteurs entièrement française (hors un cas problématique), en totale adéquation avec le style requis, et par ailleurs très impliquée. C’est d’abord le rôle-titre qui soulève l’enthousiasme : la Mireille de Gabrielle Philiponet est tout simplement idéale, frémissante, élégiaque, au caractère fort et affirmé. L’aboutissement est tout autant vocal : rieuse, enjouée lors du duo du second acte avec Vincent, nostalgique, lyrique dans l’air du IV (« Heureux, petit berger »), d’un aplomb et d’une assurance remarquables lors de la redoutable traversée de la Crau. Un portrait merveilleusement abouti, qui conforte l’orientation prise par la cantatrice vers des rôles de plus en plus lourds et dramatiques… De son côté, le jeune Julien Dran se confirme l’un des meilleurs ténors lyriques français actuels. Ses qualités de timbre, la franchise de son émission, la beauté de sa diction et la sincérité de son jeu, de même que l’usage de la voix mixte dans le fameux air « Anges du paradis », lui valent un chaleureux accueil de la part du public messin au moment des saluts. Régis Mengus ne possède pas exactement le mordant et la noirceur attendus dans le rôle d’Ourrias, et son chant reste trop élégant pour ce fruste personnage, même si l’on ne peut s’empêcher d’admirer sa superbe ligne de chant. On lui préfère du coup le Ramon de Pierre-Yves Pruvot, encore plus détestable que lui dans le rôle du père de Mireille, et une autorité scénique et vocale autrement saisissante. Le cas de Taven est également problématique, car si la mezzo albanaise Vikena Kamenica possède bien la voix d’alto requise par cette partie, les registres apparaissent trop dessoudés et la diction bien pâteuse. Dans les rôles plus secondaires, une mention devra être faite pour la voix pleine de fraîcheur d’Ana Fernandez Guerra (Vincenette).
A la tête de la formation dont il est le directeur musical, le chef belge David Reiland choisit, en concordance avec l’approche scénique et souvent bien au-delà, de privilégier les moments dramatiques de la partition de Charles Gounod – une orientation dans laquelle l’Orchestre National de Metz s’engouffre avec talent et enthousiasme. On retiendra notamment la scène finale qui s’inscrit parfaitement, musicalement parlant, dans son contexte de grand-opéra à la française.
Mireille de Charles Gounod à l’Opéra-Théâtre de Metz (juin 2022)
Crédit photographique © Luc Bertau
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