Etrenné il y a seulement deux ans à l’Opéra Grand Avignon (la production coïncidait avec les adieux de Raymond Duffaut, et nous étions bien sûr au rendez-vous…), ce Faust imaginé par Nadine Duffaut a depuis visité des maisons comme Reims, Metz, Massy - et tout dernièrement Marseille (qui affichait déjà Nicolas Courjal dans le rôle de Méphisto) -, pour finir sa course à l’Opéra de Nice. Comme nous l’avions souligné en février, la metteuse en scène a enlevé les éléments les plus sulfureux de son « premier jet », mais a conservé cependant l’accouchement sur scène de Marguerite, juste après le choc causé par l’assassinat de son frère par son amant, ce dont on lui sait gré tant l’image est forte. De même reconnaît-on beaucoup de pertinence à l’idée d’avoir « scindé » le personnage principal en deux, un vieux et un jeune Faust, sans que le premier ne quitte la scène après la mue, témoin primordial et privilégié de la déchéance de son double…
On retrouve donc à Nice Nicolas Courjal à qui tous les rôles de Diable vont à merveille (comme encore récemment celui de Bertram dans Robert le Diable au Bozar de Bruxelles). La basse française émerveille à nouveau tant par l’incarnation de son personnage que par le raffinement d’un phrasé aux clairs-obscurs irrésistibles. A ses côtés, la jeune soprano française Chloé Chaume - dont la voix s’est considérablement élargie depuis la dernière fois que nous l’avons entendue - couple justesse d’intonation et sens du style. Impeccable dans les vocalises, elle trouve de touchants accents dans les passages lyriques, le duo d’amour surtout, culminant dans un cinquième acte captivant. Une artiste attachante à suivre de près ! Avouons ensuite que nous avons préféré le vieux Faust d’Antoine Normand - grâce à un timbre qui n’accuse aucunement du poids des ans et une diction proche de la perfection - à celui de la star italienne Stefano Secco en prise trop souvent avec des problèmes de justesse, certains sons sonnant par ailleurs « exotiques », quand certaines notes sont émises de manière bien trop basse, privant le chant de son impact. Le Valentin du baryton argentin Armando Noguera mérite une mention particulière pour la qualité de son air « Avant de quitter ces lieux », qu’il pare d’accents inédits, tandis que nous retrouvons le jeune Camille Tresmontant en Siébel boiteux, mais au chant soigné. La pétulante Jeanne-Marie Lévy ne fait qu’une bouchée de Dame Marthe, encore travaillée par ses sens malgré l’âge, quand Philippe Ermelier continue de séduire en Wagner, grâce à son inépuisable faconde.
Mais le plus grand bonheur de la soirée viendra de la fosse, grâce à la direction de Giuliano Carella, et c’est de fait de l’Orchestre philharmonique de Nice que proviendra la plus grande force dramatique du spectacle. Carella y démontre une maîtrise de la partition de Charles Gounod tout à fait exceptionnelle. Profondément engagée, fiévreuse et passionnée, sa lecture toute en nuances impressionne par son audace, n’hésitant pas à aller du pianissimo le plus ténu (le monologue du Graal) au fortissimo le plus lyrique. Aidé par un chœur exemplaire et un orchestre comme nous l’avions plus entendu sonner aussi bien depuis longtemps, le maestro italien atteint des sommets d’émotion.
Faust à l’Opéra de Nice, jusqu’au 28 mai 2019
Crédit photographique © Dominique Jaussein
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