Alors que nous venons de découvrir la célèbre production d’Olivier Py (le mois dernier à La Monnaie de Bruxelles) de Dialogues des Carmélites de Francis Poulenc (spectacle repris au Théâtre des Champs Elysées la semaine prochaine), l’Opéra Grand Avignon tente également l’aventure et en propose une nouvelle production. Pour ce qui la concerne, on comprendra aisément que, dans un domaine régi par la lumière divine, la réussite de l’audio-visuel repose sur une savante maîtrise des éclairages (réglés par Richard Rozenbaum) et des vidéos (signées par Quentin Bonami) : les trois immenses écrans qui délimitent la scène – et qui sont (quasi) les seuls éléments de décor dans cette scénographie totalement dépouillée – en sont le réceptacle. Mais flatter la fibre esthétique du spectateur ne suffit bien évidemment pas à le porter au niveau de réflexion de George Bernanos, le génial librettiste. Alain Timar – directeur du Théâtre des halles dans la Cité Papale à qui a été confiée la régie – en est parfaitement conscient et ménage ainsi savamment quelques prolongements de belle symbolique dont on ne citera que les plus fortes images : l’agonie de Madame de Croissy qui nous vaut une belle image de la foi chancelante, ces mains qui se rejoignent pendant les retrouvailles entre Blanche et son frère, ou cette bouleversante scène finale qui montre les sœurs se débarrasser de leurs habits civils pour mourir avec leurs vêtements de carmélites. C’est debout qu’elles expirent, avant de s’affaisser lentement sur le sol, et juste après le couperet fatidique (doublé ici par un flash de lumière crue), devant un immense ciel étoilé (photo) qui n’est pas sans rappeler celui déjà imaginé par Olivier Py dans la production précitée…
A Ouvrage français, distribution entièrement française. La jeune soprano Ludivine Gombert campe une Blanche de la Force touchante de fragilité sur le plan dramatique mais très assurée sur le plan vocal, avec des aigus aussi justes que parfaitement projetés. Sans être d’un grain rare, sa voix retient l’auditoire sous le charme et le personnage qu’elle incarne est d’une sensibilité palpitante. Par autre bonheur, le rôle de Mme de Croissy n’a pas été confié à une mezzo en bout de course, mais à une Marie-Ange Todorovitch en pleine possession de ses moyens : elle est ainsi d’une rare crédibilité dans ce rôle écrasant de la Prieure terrorisée à l’approche de la mort. Avec sa voix corsée de mezzo, Blandine Folio-Peres donne un caractère particulièrement intéressant à la partie de Mère Marie de l’Incarnation. De son côté, notre soprano dramatique nationale Catherine Hunold (en remplacement de Patrizia Ciofi !) illumine de sa présence royale cette production, dès son entrée en scène, et campe une Madame Lidoine maternelle et chaleureuse qui donne toute sa mesure dans la scène de la prison. Sarah Gouzy est une Sœur Constance radieuse, avec une voix facile et naturelle qui préserve le personnage de toute niaiserie. Du côté des hommes, le jeune ténor Rémy Mathieu (Chevalier de la Force) allie beauté de timbre, phrasé exemplaire et diction châtiée, tandis que Frédéric Caton campe un Marquis profondément humain. Citons également l’Aumônier de Raphaël Brémard, le Premier Commissaire d’Alfred Bironien et Le Deuxième Commissaire de Romain Bockler (également Officier et Geôlier) qui parviennent à donner à leur(s) personnage(s) un relief et une intensité dramatique tout à fait en situation.
Enfin, placé à la tête de l’Orchestre Régional Avignon-Provence qui sonne clair et franc, Samuel Jean évite la surcharge d’intention ou de lyrisme, quitte à décevoir ceux que le mélodisme profondément romantique de Francis Poulenc n’effraie pas…
Dialogues des Carmélites de Francis Poulenc à l’Opéra Confluence d’Avignon, les 28 & 30 janvier 2018
Crédit photographique © Cédric Delestrade
Commentaires (1)