A l'Opéra Grand Avignon, nous retrouvons la production d'Anna Bolena de Gaetano Donizetti signée par Marie-Louise Bischofberger pour l'Opéra de Bordeaux en mai 2014, et nous renvoyons donc le lecteur aux commentaires qu'elle nous avait alors inspirés, en signalant cependant que la femme de théâtre suisse a entièrement revu sa copie quant à la direction d’acteurs. Les rapports entre les personnages atteignent cette fois une épaisseur et une complexité bien absentes à Bordeaux, tel ce baiser échangé par les deux rivales au II : baiser d’amour ou baiser de mort au choix...
La prise de rôle d’Irina Lungu – vaillante Liu au dernier festival d’été de Munich – mérite d’être saluée. Ronde, corsée, à la fois opulente et agile, avec des aigus glorieux, la voix affirme d’emblée une qualité exceptionnelle. La soprano russe, plus habituée aux rôles verdiens et pucciniens, a par ailleurs intégré les principes du belcanto pour ce qui est de la coloration du phrasé et de la projection des mots : elle ne se contente pas de faire du beau son, mais sait également mettre l’accent sur le sens du texte. Pour le velouté du timbre, la musicalité, le scrupule stylistique et l’époustouflante virtuosité, la mezzo géorgienne Ketevan Kemoklidze n’est pas en reste, mais l’expression dramatique s’avère plus en retrait que celui de sa consœur. La troisième voix féminine de la distribution – la mezzo franco-marocaine Ahlima Mhamdi – se situe au même niveau d’excellence vocale et stylistique, en interprétant un Smeton tout en panache. Annoncé malade, mais ayant tenu à chanter pour sauver la représentation, nous nous garderons bien d’émettre un jugement sur la prestation de la basse italienne Carlo Colombara (Henry VIII) que toutes les scènes internationales s’arrachent. De son côté, le ténor espagnol Ismaël Jordi suscite toujours autant l’enthousiasme, avec son beau timbre et son chant raffiné, surmontant avec aisance les écueils de la tessiture de Percy. Enfin, dans leurs brèves interventions, la basse belge Patrick Bolleire (Lord Rochefort) et le jeune ténor français Jérémy Duffau (Sir Hervey) n’encourent aucun reproche.
Quant à la formation provençale, fidèle à son image, c’est-à-dire brillante et vibrante, elle est placée sous la direction de Samuel Jean – son premier chef invité depuis 2012 – qui en tient les rênes avec fermeté. Tout en se montrant très attentif aux chanteurs, il impose une vision dramatique et tendue, bien que menacée par quelques touches de pompiérisme. Ainsi plus dramatique qu’émouvant, son Donizetti, paré de toutes ses vertus théâtrales, soutient efficacement la mise en scène.
Anna Bolena de Gaetano Donizetti à l’Opéra Grand Avignon, les 14 & 16 mai 2017
Crédit photographique © Cédric Delestrade
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