Etrenné en 2007, puis repris en 2014, le Faust imaginé par Jean-Christophe Maillot pour Les Ballets de Monte-Carlo (dédié à son mentor Maurice Béjart) était le point d'orgue culturel des fêtes de fin d’année à Monaco. Le célèbre chorégraphe s’était déjà confronté au mythe goethien au travers de l’opéra de Charles Gounod, dans une mise en scène pour l’Opéra de Wiesbaden en 2007. C’est d’ailleurs avec une musique « additionnelle » composée par son frère Bertrand Maillot qui cite allègrement la partition du compositeur français, que débute le spectacle, avant que ne soit exécutée, dans son entièreté, la Faust Symphonie de Franz Liszt - par rien moins que l’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra de Monte-Carlo, dirigés par le chef russe Igor Dronov, dans la vaste enceinte de la Salle des Princes du Grimadi Forum de Monaco.
Secondé dans la conception d'éblouissants effets visuels par une scénographie épurée de Rolf Sachs, les vidéos de Gilles Papin (ah, ses immenses sabliers au fatidique décompte !) et les costumes de Philippe Guillotel, Jean-Christophe Maillot développe une approche très fouillée du mythe faustien, bien au-delà des clichés généralement associés à ce fameux pacte d'une âme vendue au diable en échange d'une jeunesse éternelle. L'ambiguïté des attitudes et la psychologie des profondeurs marquent en premier lieu cette captivante proposition chorégraphique, d'essence néanmoins très féminine : de victime présumée, Faust l'humain (Francesco Mariottini) devient l'enjeu d'une subtile rivalité amoureuse entre La Mort (éblouissante Laura Tisserand !) et Méphistophélès (Jaeyong An) se divertissant d'une joute cherchant à mesurer leur puissance respective, à l'image des dieux de l’Olympe s’amusant des joies et des peines qu’ils infligent aux mortels. La Mort perd la première manche à l'acte I contre Méphisto mais gagne une revanche décisive à la fin de l'acte III en réunissant Faust et Marguerite (Ashley Krauhaus), tous deux sauvés par une divine rédemption. Mais que penser, en revanche, de cette même Mort que l’on voit escalader une échelle montant vers les cintres sur les derniers accords ?...
De son côté, l’OPMC soutient magnifiquement les envoûtantes images qui défilent sur le plateau. Le premier mouvement est, de ce point de vue, superbement construit, entre les interrogations empressées du savant, la vigueur de ses aspirations, et enfin la rêverie amoureuse. Il faut dire que les timbres et les phrasés des instrumentistes sont remarquablement soignés. Le mouvement de Marguerite est habilement conduit, et surtout les bois impriment toute la sensualité requise ici. On pourrait en dire autant d’un troisième mouvement, dédié à Méphistophélès, d’une même exactitude. S’attelant à faire ressortir la modernité de cette partie, Igor Dronov en donne une lecture probante dans sa rationalité, et de façon tout aussi heureuse, le chef revient à une générosité bienvenue dans le Chorus mysticus final, typique des ouvrages de Liszt et de sa « manie de l’apothéose », selon le mot de Richard Wagner. Le grandiose effet de contraste est ici pleinement atteint, et tant au Chœur masculin de l’Opéra de Monte-Carlo qu’au ténor wagnérien Robert Dean Smith, il n’y a que des louanges à adresser.
Une superbe soirée de danse et de musique sur le Rocher, et vivement maintenant « La Belle » et « Cendrillon » au menu des mois à venir !
Faust de Jean-Christophe Maillot / Les Ballets de Monte-Carlo - au Grimaldi Forum de Monaco (du 26 au 31 décembre 2022).
Crédit photographique © Alice Blangero
04 janvier 2023 | Imprimer
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