Trois semaines après son récital (d’airs français et allemands) au Festival de Peralada, c’est dans la cossue cité suisse de Gstaad – au célèbre Gstaad Menuhin Festival – que l’on retrouve (dans une forme vocale éblouissante malgré un orteil cassé l’obligeant à arriver sur scène en claudiquant...) le ténor N°1 de notre temps : Jonas Kaufmann. Il n’est cette fois pas venu seul, mais accompagné par Martina Serafin et Falk Struckmann, pour une exécution du premier acte de La Walkyrie de Richard Wagner avec, en fosse, l’Orchestre du Festival de Gstaad dirigé par son chef titulaire, Jaap van Zweden.
Mais avant ce morceau de choix, la formidable phalange réunissant des instrumentistes issus des meilleurs orchestres helvétiques (Orchestre de la Tonhalle Zürich, du Philharmonia Zürich, du Kammerorchester Basel, du Basler Sinfonieorchester ou encore du Berner Sinfonieorchester) a l’occasion de faire chanter ses cordes et rutiler ses cuivres dans une série d’ouvertures et de préludes de l’Echanson de Bayreuth, dont on retiendra surtout un ineffable Prélude et mort d’Isolde, que le chef néerlandais dirige avec une grande émotion, un sens des nuances intense et des couleurs envoûtantes.
Que dire ensuite sur la prestation de l’illustre ténor allemand, sans tomber une nouvelle fois dans le panégyrique le plus béat ? Il y a d’abord et toujours la fascination de ce timbre, à la fois viril et rêveur, il y a également la puissance unique d’un registre aigu particulièrement vaillant, et il y a sûrement plus encore le charisme d’un interprète d’une rare sensibilité, qui lui permet d’interpréter le plus poétique Siegmund qui soit... Si l’on a rarement entendu des « Wälse ! » aussi longuement tenus et si puissamment délivrés, c’est néanmoins le non moins célèbre « Winterstürme », chanté pianissimo et avec une tendresse éperdue, que l’on retiendra, offrant là aux auditeurs le point culminant - émotionnellement parlant - de la soirée.
A ses côtés, la baryton-basse allemand Falk Struckmann campe un Hunding sévère, d’une grande distinction vocale, peut-être trop pour un personnage aussi fruste. Mais l’élégance du style, comme la puissance vocale, n’appellent que des éloges. Reste la non moins magnifique Sieglinde de Martina Serafin, malgré un timbre qui a perdu un peu de son soyeux et de son émail ; la cantatrice autrichienne parvient néanmoins à incarner avec une évidence stupéfiante la grâce et la fragilité de son personnage. Incandescente, tragédienne d’emblée, et toujours attentive à ses partenaires, elle fait oublier l’absence de mise en scène, donnant corps au drame wagnérien – à l’instar de Jonas Kaufmann – par sa seule présence…
Une soirée saluée par un fol enthousiasme sous une tente du festival pleine à craquer !
Premier acte de La Walkyrie (plus Ouvertures) de Richard Wagner au Festival Menuhin de Gstaad, le 18 août 2018
Crédit photographique © Raphaël Faux
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