Kent Nagano dirige Salome à l'Opéra de Hambourg

Xl_salome © DR

Dépouillée de tout élément décoratif, la Salome de Richard Strauss - imaginée par Willy Decker pour l’Opéra de Hambourg il y a une vingtaine d’années, et reprise en ce mois de novembre 2016 –  fait l’impasse sur tout le falbala « à l’orientale » habituellement attaché à cet ouvrage. Conformément à son habitude, l’homme de théâtre allemand se raccroche à une idée directrice qu’il ne quittera plus et situe l’intrigue dans l’« envers du décor » : entre des parois nues, un escalier monumental et asymétrique cercle l’entrée de la citerne où croupit Jochanaan. L’éclairage évoque celui qui tombe de la lune, dont il est fréquemment question dans le livret de Hugo von Hofmannsthal : tout baigne dans un gris uniforme, et les crânes rasés des protagonistes achèvent de donner à l’ensemble un aspect barbare, qui n’est pas sans établir un parallélisme avec Elektra. Les personnages sont fortement typés, et les rapports qui les lient sont exposés avec limpidité ; plus particulièrement, Hérode et Hérodias acquièrent un relief saisissant. Pour ce qui est de la fameuse « danse des sept voiles », pierre d’achoppement de la plupart des mises en scène, elle se transforme ici en jeu érotique assez inoffensif entre Salomé et Hérode, seuls en scène.

La soprano britannique Allison Oakes - envoûtante Marie (Wozzeck) à l'Opéra de Dijon il y a deux saisons - confère une remarquable personnalité au rôle-titre : presque candide quand elle tente de séduire Jochanaan, feignant le suicide l’émouvoir aguicheuse et perfide avec Hérode, hystérique lorsqu’elle lui réclame la tête du Baptiste, mais pudique lorsque celle-ci lui est livrée sur un plateau d’argent, extatique lorsqu’enfin elle baise la bouche du prophète avant de se suicider, ne permettant pas aux soldats d’exécuter l’ordre de la tuer. Vocalement, en dépit d’un timbre peu personnalisé, Allison Oakes maîtrise bien la lourde partition, allant des murmures aux aigus éclatants.

Le baryton-basse allemand Wolgang Koch - solide Hans Sachs (Die Meistersinger von Nürnberg) au printemps dernier à l'Opéra de Bavière - confère sa stature imposante et une voix puissante (mais un peu monolithique) à Jochanaan, qui mêle une certaine tendresse à son obstination, comme lorsqu’il enveloppe Salomé dans ses bras au moment de prier pour la rémission de ses péchés. L’Hérodias de Hellen Kwon est incontestablement une femme qui sait ce qu’elle veut, possédant en outre une voix au timbre de métal, tandis que Jürgen Sacher joue et chante Hérode de façon moins bouffe qu’à l’accoutumée. Le jeune ténor turkmène Dovlet Nurgeldiyev, gagnant en assurance et en ampleur à chacune de ses interventions, confère au personnage de Narraboth un beau timbre lyrique, sans usage excessif de la voix de tête. Distinguons encore le Page de Marta Swiderska.

Dernière – et principale – satisfaction de la soirée, la baguette du maestro américain Kent Nagano, directeur musical de la maison depuis la saison dernière, qui se montre à la hauteur de sa réputation. Son expérience symphonique ne pouvait que se transmettre et magnifier l’Orchestre Philharmonique de Hambourg, dont la palette sonore se déploie ce soir avec autant de raffinement de coloris que d’acuité dynamique.

Emmanuel Andrieu

Salomé de Richard Strauss à l’Opéra de Hambourg, jusqu’au 25 novembre 2016

Crédit photographique © Brinkhoff Mögenburg

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