Au sortir de son Mario aixois (Alain Duault a rendu compte de cette Tosca dans nos colonnes), le ténor maltais Joseph Calleja se produit (pour la première fois) au Festival de Castell Peralada, avec un programme (assez consacré) d’airs opératiques en première partie, puis de Mélodies de tout horizon dans la deuxième. Comment ne pas être frappé, dès le premier air qu’il délivre, « Pourquoi me réveiller ? » extrait de Werther de Jules Massenet, par l’évolution de la voix, désormais si large et sonore (sans doute trop pour la petite Eglise du Carmen de Peralada, d'autant que l’acoustique y est très réverbérante), alors qu’on l’avait découvert, à ses tout débuts, comme tenore di grazia, avant qu’il n’aborde des emplois plus lyriques. L’écoute de l’air de Mario qui suit « E lucevan le stelle » confirme que c’est même vers des emplois de ténor dramatique qu’il peut maintenant se tourner… sans pour autant que cela nous réjouisse. Car où est donc passé le vibratello qui était la marque spécifique de sa voix (et qui en faisait tout le charme…), noyé désormais dans un flot de décibels, phagocyté par un chant tout en muscles et bien avare de couleurs, même dans le pourtant délicat « Ah la paterna mano » tiré du Macbeth de Giuseppe Verdi ?
Miracle alors que de retrouver, en deuxième partie, un Joseph Calleja tel que nous l’avons toujours aimé, non plus soucieux de faire la démonstration de la puissance de son organe, mais retrouvant la hauteur d’émission de la très belle mélodie de Tosti « Ideale, a Vucella », ici divinement phrasée. C’est un opalescent « Vaghissimma sembianza » de son compatriote Joseph Vella qu’il livre ensuite, puis un « Mattinata » de Ruggero Leoncavallo qui lui permet de faire briller son art du smorzando. Courte, la seconde partie est prolongée par quatre bis, dont le fameux « O sole mio » qu’il gorge de soleil et qu’il termine par un aigu conquérant, et le non moins célèbre « No puede ser », extrait de la Zarzuela « La Taberna del puerto », comme clin d’œil à la terre ibérique qui l’accueille ce soir. Dommage qu’il les fasse suivre par une interprétation de « La vie en rose » de Piaf, qui accuse de sérieux péchés de prononciation (La vie en rose se transformant en vie en rosé !), et une flagrante lèse-prosodie française. Le public (essentiellement catalan) ne semble pas lui en tenir rigueur et lui fait quand même un triomphe... Un mot, enfin, sur l’excellent pianiste italien Vincenzo Scalera qui, tout au long de la soirée, lui sert mieux que de simple accompagnateur, lui ouvrant chaque fois le chemin avec un toucher particulièrement sensible.
Joseph Calleja en récital au Festival de Castell Peralada
Crédit photographique © Joan Castro
11 août 2019 | Imprimer
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