Le Festival de Radio France Montpellier Occitanie ressuscite Les Puritains dans sa version napolitaine

Xl_puritani © Marc Ginot

A Montpellier, qui dit Festival de Radio France dit rareté, découverte, exhumation. En attendant Siberia d’Umberto Giordano (le 22 juillet, avec la soprano star Sonya Yoncheva), c’est une version alternative des fameux Puritains de Vincenzo Bellini que la manifestation languedocienne proposait en ce samedi 15 juillet. Car en même temps que le compositeur sicilien composait pour le Théâtre des Italiens à Paris la version des Puritains que nous connaissons tous, il en écrivait une autre que la Malibran aurait dû créer au Teatro San Carlo de Naples (qu'une épidémie de choléra empêcha...), mais qui ne fut finalement jouée qu’en décembre 1985 en version de concert au Barbican Hall de Londres, avant une version scénique, l'année d'après, au Teatro Petruzzelli de Bari, avec Katia Ricciarelli et Chris Merritt dans les deux rôles principaux. Parmi les différences notables entre la première et la seconde version, en plus de la dévolution du rôle d’Elvira à une mezzo plutôt qu’à une soprano, le rôle de Riccardo est confié à un ténor (au lieu d’un baryton), ce qui conduira d’ailleurs Bellini à supprimer le célèbre duo « Suoni la tromba ». Autre changement majeur, le grandiose finale de l’opéra : la phrase « Credeasi misera » devenue « Qual mai funerea » est transposée de bémol majeur en La majeur, et échoit non plus à Arturo mais à Elvira... qui prend donc une place prépondérante dans cette version dite de Naples.

Dans le rôle écrit pour la Malibran, Karine Deshayes offre une incarnation d’une dignité admirable, soulignant l’aspect pathétique et éthéré du personnage d’Elvira, grâce à une ligne de chant qui s’épanouit à merveille dans cette tessiture, beaucoup plus centrale que dans la version traditionnelle, et qui convient idéalement aux moyens actuels de la mezzo française. Avec des aigus désormais proches du soprano (quels traits dans la Polonaise de l'acte I !), elle peut désormais envisager des rôles comme celui d’Armida de Rossini (qu’elle vient d'interpréter, avec éclat, ici-même à Montpellier), avant une Semiramide très attendue la saison prochaine à l’Opéra de Saint-Etienne. 

Duc de Mantoue (Rigoletto) peu apprécié par notre confrère Alain Duault à l’occasion des Chorégies d’Orange une semaine plus tôt, le ténor canarien Celso Albelo ne convainc pas beaucoup plus en Arturo qu’il chante ici comme du Verdi (voire du Puccini…), cherchant avant tout à faire du son, bien plus que de la musique, au détriment de la ligne de chant et de la musicalité, deux composantes essentielles pourtant chez Bellini. Son collègue américain René Barbera n’a ainsi pas de mal à lui voler la vedette dans le rôle de Riccardo, avec une voix idéale pour ce répertoire, c’est-à-dire de tenore di grazia. Une voix par ailleurs puissante sur toute son étendue, précise dans les ornements, qui parvient à dominer les écarts que comporte son grand air ; il fait par ailleurs ressortir toute l’émotion et la séduction du phrasé bellinien. Les comprimari tiennent tous leurs rangs : la mezzo italienne Chiara Amaru défend avec une belle ardeur la partie pourtant peu mise en valeur de l’infortunée reine Enrichetta, son compatriote Nicola Ulivieri se montre patriarcal à souhait en Giorgio, tandis que Dmitry Ivanchey (Sir Bruno Roberton) et Kihwan Sim (Lord Gualtiero Valton) font également bonne impression.

Côté fosse, la direction fougueuse du jeune et talentueux chef italien Jader Bignamini - placé à la tête de l'Orchestre national Montpellier Occitanie - fait d’emblée table rase du lieu commun qui consiste à voir en Bellini un compositeur plus lyrique que dramatique. Toute de flamme et de contrastes, elle met en relief, voire exalte, la charge théâtrale du chef d’œuvre du Cygne de Catane, sans pour autant négliger l’opulence des timbres, ni les recherches harmoniques. Enfin, l’ultime création de Bellini fait appel à une masse chorale très importante, et les Chœurs conjugués de l’Opéra national Montpellier Occitanie et de la Radio Lettone se montre plus qu’à la hauteur de la situation.

Le public - visiblement conquis - fait un triomphe à la soirée !

Emmanuel Andrieu

I Puritani (Version de Naples) de Vincenzo Bellini au Festival de Radio France Montpellier Occitanie, le 15 juillet 2017

Crédit photographique © Marc Ginot 

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