Un an après Anna Bolena, le Grand-Théâtre de Genève poursuit la Trilogie Tudor de Gaetano Donizetti avec Maria Stuarda, en reprenant l’essentiel de l’équipe artistique : Mariame Clément à la mise en scène, Stéphanie d’Oustrac, Elsa Dreisig et Edgardo Rocha dans le fatal trio amoureux… mais sans le chef Stefano Montanari, remplacé à la dernière minute par son confrère et compatriote Andrea Sanguinetti.
Pour faire le pont entre les deux ouvrages, la metteure en scène française donne à voir, pendant l’ouverture, la scène de décapitation d’Anne Boleyn, la mère d’Elisabeth 1ère, tandis que cette dernière assiste, enfant, à la scène, la vivant comme un trauma indélébile. Deux autres « évocations » émailleront la soirée, l’apparition furtive de la « Reine vierge » sur le plateau telle que l’histoire l’a retenue (iconographiquement), et Lord Cecil grimé en Henry VIII au moment où il exhorte Elisabeth à faire condamner à mort sa cousine et rivale. La scénographie de la fidèle Julia Hansen (qui signe également les élégants costumes élisabéthains) est la même que celle du premier volet, à savoir les parois lambrissées d’un palais souvent envahi par une forêt luxuriante, aux couleurs tour à tour printanières ou automnales. Et comme dans Anna Bolena, de curieux éléments contemporains surgissent au sein de cette scénographie « d’époque », tel ce téléphone posé sur le bureau de la Reine, mais surtout l'apparition de deux caméramen pendant la scène finale, qui viennent immortaliser la scène du supplice de Mary Stuart, comme si elle mettait elle-même en scène son martyre, communicante avant l’heure, pour mieux triompher – aux yeux de la postérité – de l’impitoyable souveraine d’Angleterre.
Les cheveux ras et roux, et portant une cuirasse d’acier doré, Elsa Dreisig revêt les habits du bourreau après avoir incarné la victime (Anne Boleyn) l’an passé. C’est cependant une Elizabeth souvent en proie au doute et plutôt fragile qu’elle incarne physiquement, tandis que la voix reste tranchante et inflexible. Avec son timbre ferme et conquérant, elle n’a aucun mal à dominer les débats, jouant intelligemment de son rang et de son pouvoir. Dans le rôle-titre, Stéphanie d’Oustrac livre bizarrement (comme l’an dernier !) une prestation d’abord en demi-teinte, puis prend de l’assurance jusqu’à une scène finale qui suscite l’enthousiasme. Sa Maria Stuarda, tout en émotion et intériorité, est portée par une séduisante ligne de chant, une maîtrise louable du chant orné, et une insolente projection de l’aigu, qui font particulièrement merveille dans ses déchirants adieux « Ah, se un giorno da queste ritorte ». De son côté, le ténor uruguayen Edgardo Rocha offre un Leicester suave et viril à la fois, avec une voix capable de séduction, mais aussi d’une belle projection quand la partition l’exige. Une mention devra être faite pour les deux excellents conseillers antagonistes : la basse italienne Nicola Ulivieri incarne un Talbot plein d’affection envers Maria, tandis que Simone Del Savio campe un intraitable Lord Cecil, heureux de pouvoir hâter la condamnation à mort de la reine déchue.
Il serait enfin injuste d’oublier la direction musicale d’Andrea Sanguinetti, discrète mais jamais superficielle, capable d’insister sur un instrument soliste, de prendre le temps de s’attarder ou de réussir une approche subtile, ce qui est peu fréquent dans ce répertoire.
Maria Stuarda de Gaetano Donizetti au Grand-Théâtre de Genève, jusqu’au 29 décembre 2022
Crédit photographique © Monika Ritterhaus
21 décembre 2022 | Imprimer
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