Leo Nucci, inusable Rigoletto à l'Opéra de Valencia

Xl_rigoletto__leo_nucci___mikel_ponce_y_miguel_lorenzo_palau_de_les_arts__6_ © Mikel Ponce

Nous n’étions pas venus au Palau de les Arts de Valencia depuis dix ans - à l’époque pour une Manon avec Aylen Perez et Vittorio Grigolo -, et c’est cette fois pour y entendre l’inusable Leo Nucci dans le rôle-titre de Rigoletto, quelques mois seulement après l’avoir entendu dans cette même partie au Teatro Massimo de Palerme. Une fois encore, le baryton italien (âgé de 77 ans) démontre sa totale identification au personnage, et délivre de prodigieux moments de belcanto, à l’instar du « Ah ! Veglia, o donna » au I, ou dans « Miei signori… », lorsqu’il implore les courtisans. L’aigu sonne encore très sûr et il distille des trésors de nuances et de phrasés tout au long de la soirée. Dans une forme éblouissante, il en profite même pour bisser - comme à sa bonne habitude (déjà à Palerme…) - le fameux « Si, vendetta »… ce qui lui vaut une interminable ovation de la part du public valencien !

Ses partenaires se montrent à la hauteur, à commencer par le ténor canarien Celso Albelo qui, pour une fois, se décide à faire de la musique et pas seulement des décibels. On peut ainsi apprécier son superbe legato dans « Parmi veder le lacrime », tandis que la fougue juvénile de l’acteur rejoint la perfection du chanteur dans le célébrissime « La donna è mobile ». De son côté, la soprano italienne Maria Grazia Schiavo est une Gilda au timbre rond (quoique plus corsé que de coutume pour cet emploi), aux trilles parfaits dans « Caro nome » et à la mezza voce éthérée dans le tableau final. Le reste de la distribution s’avère solide, avec des chanteurs d’expérience tels que Nino Surguladze (fière Amnéris il y a deux mois à Liège) en Maddalena ou  Marco Spotti (sonore Basilio à Genève il y a deux saisons) en Sparafucile.

Provenant de l’Opéra de Bilbao, où elle a été étrennée en 2006, la production est signée par Emilio Sagi, dont a souvent pu admirer le travail au Théâtre du Capitole : Dona Francisquita en 2015, Il Turco in Italia en 2016 ou encore Lucrezia Borgia en janvier dernier (avec Annick Massis). L’homme de théâtre asturien opte pour une scénographie modernisante mais une direction d’acteurs en revanche très classique. Les décors conçus par Ricardo Sanchez-Cuerda offrent des volumes cubiques et des formes minimalistes, avec une scène dominée par un immense lustre rouge et par une rampe qui se transforme en fonction des besoins de l’action, et qui est déplacée à vue par les machinistes. Le costume rouge-sang de Rigoletto (signé Miguel Crespi) capte l’attention (et les éclairages d’Eduardo Bravo...) pour la plus grande gloire de Nucci !

Enfin, le Chœur de la Generalitat Valenciana anime ardemment l’action tandis que l’Orchestre de la Comunitat Valenciana, par ses sonorités riches et délicates, rend justice aux subtilités de la partition de Giuseppe Verdi. Si son directeur musical Roberto Abbado (neveu du regretté Claudio) délivre des tempi fougueux, il n'en soigne pas moins chaque détail de cet implacable théâtre en musique, dont la subtilité s’allie à l’inépuisable vitalité.

Emmanuel Andrieu

Rigoletto de Giuseppe Verdi au Palau de les Arts de Valencia, jusqu’au 22 mai 2019

Crédit photographique © Mikel Ponce

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