Evénement à l’Opéra de Monte-Carlo que la venue du célèbre ténor péruvien Juan Diego Florez qui a choisi cette scène pour faire ses débuts dans le rôle-titre des Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach. Indéniablement, le pari s'avère réussi et sa brillante prestation apporte la preuve qu’il a énormément travaillé le rôle. Il rajoute même des aigus dans le fameux air de Kleinzach et sort indemne de l’acte de Giuletta, hérissé de pièges pour le ténor. Avec une diction parfaite qui rend superflue la lecture des surtitres, son timbre reconnaissable entre tous, la souplesse de son émission et la beauté de sa ligne de chant, il est assurément un Hoffmann de grande classe.
Déception en revanche pour la prise de rôle de la soprano russe Olga Peretyatko qui ne convainc dans aucun de ses trois (principaux) rôles, la voix ne correspondant pas (ou plus ou pas encore…) aux schémas interprétatifs traditionnels, sans parler d’une incarnation assez fade de tous ses différents personnages, avec une monochromie de timbre qui la dessert dans des emplois aussi contrastés. En Olympia, un des aigus part totalement « en vrille » (un autre, un peu plus tard, s’avère plus catastrophique encore…) et le souffle se fait souvent court. En Antonia on ne peut croire à la cantatrice malade tant la voix se pare de vigoureux accents, accents qui manquent en revanche de sensualité (et de graves !) pour rendre justice au personnage de Giuletta. Dommage...
A l’inverse, la basse française Nicolas Courjal rafle tous les suffrages avec son incarnation des quatre Diables, au point de voler la vedette aux deux têtes d’affiche ! Rares sont les basses qui parviennent à nuancer autant leur chant, et jouer comme il le fait avec plusieurs styles vocaux. Il compose ses différentes incarnations avec subtilité et force, maîtrise toutes les parties aiguës de la partition sans jamais plafonner, et l’on aurait aimé dès lors que ses rôles ne soient pas amputés de nombreux numéros (comme la reprise du « trio des flacons » ou encore l'Arioso avant le trio avec la mère d'Antonia…), ce qui nous aurait permis de l'entendre s'exprimer davantage, et de profiter un peu plus de la basse française la plus charismatique de notre époque.
Excellents seconds rôles hors la Nicklausse aux registres dessoudés de Sophie Marilley et le Crespel à bout de voix de Paata Burchuladze. Rodolphe Briand se montre ainsi impayable dans le quadruple rôle de valets (surtout en Frantz), Marc Larcher est très bien disant en Nathanaël, Yuri Kissin livre un chant bien conduit en Schlemil/Hermann et Christine Solhosse s’avère impressionnante en Mère d’Antonia.
En fosse, le québécois Jacques Lacombe convainc moins bien que d’habitude, sa direction musicale ne retrouvant pas toujours le rythme, l’urgence, l’évidence dramatique qui sont de coutume avec ce chef. Quant à la mise en scène de Jean-Louis Grinda, étrennée in loco en 2010, elle est d’une lisibilité totale, à la fois sobre et imaginative… autant dire la « marque de fabrique » de l’homme de théâtre monégasque : quelques chaises et un grand alambic dans le Prologue, des squelettes d’animaux qui pendent depuis les cintres dans l’acte d’Olympia, un simple piano dans celui d’Antonia et un revêtement de plastique sombre au sol qui évoque la lagune dans l’acte de Venise… La direction d’acteurs est également truffée de trouvailles comme l’idée de faire rester sur scène quelques personnages après le Prologue.. pour assister aux déboires sentimentaux de Hofffmann. Bref, une conception scénique de qualité qui respecte l’esprit d’Offenbach, tout en y ajoutant quelques éclairages personnels. Avec humour, Grinda réussit à suivre le fil de cette intrigue complexe, en lui conservant sa part de romantisme et ses aspects les plus grinçants…De la belle ouvrage !
Les Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach à l’Opéra de Monte-Carlo, jusqu’au 31 janvier 2018
Crédit photographique © Alain Hanel
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