Rebaptisé Clermont Auvergne Opéra, l’ancien Centre Lyrique d’Auvergne a inauguré la nouvelle décennie avec une nouvelle production de L’Italienne à Alger, que s’est auto-confié le maître des lieux Pierre Thirion-Vallet. Même si l’idée n’est pas neuve (elle a au moins le mérite de fonctionner plutôt bien…), l’ex-chanteur lyrique transpose l’action dans le Hollywood des années 50, dans les Studios Mustafa, où l’on tourne un film intitulé « L’Italienne à Alger », tandis qu’une voix off nous promet – en début de soirée – un spectacle « plein d’action, de passion... et de loukoums ! ». Le décor est planté : tout ne sera ici que farce et dérision... au détriment des passages plus mélancoliques de la partition cependant, comme durant l'exécution de l’air de Lindoro « Languir per un bella », où ce dernier fait le pitre juché sur un dromadaire, ce qui entraîne l’hilarité du public, à l’opposé du but recherché par Rossini...
Si le jeune ténor Joseph Kauzman doit batailler avec les aigus et les ornements que Gioacchino Rossini a réservés à Lindoro, le reste de la distribution tire le spectacle vers la franche comédie, sans chercher à lui ajouter de l’acide. La chanteuse russe Maria Ostroukhova trouve ses marques dès le fameux « Cruda sorte », et son duo avec Taddeo (excellent Rémi Ortega) s’avère délicieux. On ne peut qu’être impressionné par son sens de la dynamique, et l’on peut se réjouir d’entendre là une authentique voix de contralto, qui trouve des effets comiques dans un grave toujours plein, jamais détimbré, et qui n’escamote aucune de ses coloratures. Grâce à son effronterie, elle nous emporte avec elle dans son air « Pensa alla patria », faisant par la même jaillir tout le comique de ses confrontations avec le Mustafa de la basse italienne Eugenio Di Lieto. Jovial, toujours en mouvement, celui-ci campe son personnage sans noirceur dans le tempérament ni dans la voix, mais capable d’aplomb et de malice dans les ensembles. De son côté, le Haly de Florian Bisbrouk tire le maximum de son air aux accents presque mozartiens, avec un timbre charnu et une projection sans faille, tandis qu’Anne-Lise Polchlopek (Zulma) et Sophie Boyer (Elvira) complètent agréablement cette distribution homogène.
Grand habitué de la fosse clermontoise, le chef français Amaury du Closel, placé à la tête de l’ensemble instrumental Les Métamorphoses, ne manque pas d’insuffler un rythme frénétique à la partition, parfois même trop – dans quelques ensembles – qui mène les chanteurs à leur limite d’élocution. Et si la phalange est de très bonne tenue, il faut louer en particulier le corniste solo qui se couvre de gloire pendant la romance de Lindoro !
L’Italiana in Algeri de Gioacchino Rossini au Clermont Auvergne Opéra (janvier 2020)
Crédit photographique © Yann Cabello
22 janvier 2020 | Imprimer
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