Lohengrin au Théâtre de Bâle

Xl_1cdcab99d9__1_ © Hans-Jörg Michel

L'entreprise est toujours périlleuse pour un metteur en scène de monter Lohengrin : comment en effet échapper à la reconstitution historique sans se montrer trop hardi ? Le Théâtre de Bâle a invité la régisseuse bulgare Vera Nemirova – récente signataire d'un Ring à l'Opéra de Francfort salué par la Critique - à résoudre la quadrature du cercle : elle y parvient en consacrant l'action sur l'affrontement des deux couples, l'un céleste, l'autre maléfique. Les autres (Saxons et Brabançons) ne sont qu'une foule anonyme. Les intentions de Nemirova ne sont cependant pas toujours très lisibles, mais incontestablement, son travail s'impose par sa force d'ensemble, et par ses réelles qualités plastiques. La direction d'acteurs est, elle aussi, particulièrement soignée, même si l'on peut en discuter certains principes.

Le Plateau vocal vaut d'abord pour le Lohengrin du ténor suisse Rolf Romei, qui impose un timbre lyrique d'une fraîcheur remarquable, doté de l'éclat nécessaire quand il le faut, une ligne de chant stylée, de beaux pianissimi et une diction exemplaire. Nous avions rarement entendu un récit du Graal, le fameux « Im fernen Land », aussi spontané et vibrant ; ajoutons qu'il possède un physique idéal pour le rôle, et le lecteur comprendra qu'il est l'un des meilleurs titulaires actuels du rôle. La soprano coréenne Sunyoung Seon n'est pas en reste : le timbre est à la fois liquide et épanoui, l'émission se montre égale, les couleurs chatoyantes et radieuses, l'expression simple et immédiate, elle campe une Elsa toute de fragilité, à qui l'on donnerait le bon Dieu sans confession.

En double distribution avec Michelle De Young, la mezzo bavaroise Alexandra Petersamer apporte à Ortrud un timbre de bronze et une riche palette d'inflexions, même si l'on souhaiterait davantage d'ampleur dans ses imprécations. On descend d'un cran avec le baryton Thomas Jesatko - remplaçant Olaf Sigurdason initialement annoncé – qui demeure raide comme un piquet de bout en bout du drame. Il campe certes un Telramund à la voix robuste, mais hélas monochrome et sans grand mordant. Autre déception, le Roi Henri de la basse russe Pavel Kudinov : voix sombre et imposante, mais manquant de soutien et de sûreté dans l'émission. Quant au Hérault du ténor irlandais Andrew Murphy, il n'offre pas la projection requise par ce personnage.

Ce Lohengrin emporte enfin l'adhésion grâce à la présence d'un étonnant chef dans la fosse du Theater Basel, Axel Kober, qui obtient du non moins excellent Sinfonieorchester Basel une exécution splendide, et d'abord un Prélude d'un extrême raffinement. Le chef allemand fait ensuite ressortir le rôle essentiel confié aux instruments dans la mise en évidence du combat entre l'ombre et la lumière, le bien et le mal. Le Chor des Theater Basel, en très grande forme, le suivent avec le même enthousiasme, sentiment visiblement partagé par l'auditoire, au vu des nombreux rappels qui ont couronnés cette représentation dominicale.

Emmanuel Andrieu

Lohengrin au Basel Theater, jusqu'au 15 juin 2014

Crédit photographique © Hans-Jörg Michel

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