On ne peut pas dire que les deux bijoux que sont Le Téléphone et Amélie va au Bal de Gian Carlo Menotti aient souvent les honneurs de l’affiche, loin s’en faut, et il faudra donc saluer le courage de l’Opéra-Théâtre de Metz et de son directeur Paul-Emile Fourny de les monter (même si le public messin ne les ont pas suivis dans l’aventure, car c’est dans une salle plus que moitié vide que nous avons assisté au spectacle). Il y a bien des points communs entre ces deux œuvres lyriques dont, selon son habitude, Menotti a écrit lui-même le livret. Amélie et Lucy sont plus que des sœurs : avant puis après leur mariage, il n’est pas impossible de voir en elles une seule personne et même personne… comme le suggère la proposition scénique.
Dans The Telephone (1947), créé en anglais en février 1947 à New-York, Gian Carlo Menotti compose une partition toute d’ironie et de dérision, un petit chef d’œuvre de conversation en musique. Lucy bavarde au téléphone au lieu de s’occuper de son amant, Ben. La déclaration du pauvre homme est sans cesse interrompue, mais il réussit quand même à placer in extremis sa demande en mariage. La jeune soprano française Norma Nahoun campe avec beaucoup d’abattage Lucy, dont le chant cascade en une série d’éclats de rire, tandis qu’elle passe de la gaîté aux larmes. Comme toujours excellent, Guillaume Andrieux campe avec bonhomie l’amant bafoué, avec une voix qui ne manque ni de couleurs ni de justesse.
Créé en 1937 à Philadelphie, Amélie va au bal est un pot-pourri – ce qui n’a rien de péjoratif -, où l’on peut s’amuser à décortiquer les mille et unes références musicales, les piquantes allusions et les facétieux clins d’œil. Dans cette partition pimpante, d’une gaieté enjouée, Gian Carlo Menotti s’est ingénié à faire ronfler les cuivres, claquer les cymbales, vibrer les cordes. Le compositeur italien se plaît à broder des contrepoints ironiques entre les paroles et musique, jouant sur les noms « Amélie » et « Bubi » qu’il fait sonner et répète à satiété. Norma Nahoun (Amélie) lance des aigus insolents, et son joli solo, « Le temps s’envole » (signalons qu’on a préféré ici une version anglaise de l’ouvrage contre l’original italien...), fait d’elle une petite cousine de la Comtesse et de la Maréchale. On retrouve Guillaume Andrieux dans le rôle du Mari tandis que Thomas Bettinger incarne L’amant, et tous deux font preuve d’une assurance vocale et scénique sans faille. Mentionnons le luxe de Julie Robard-Gendre dans le rôle épisodique de L’Amie. Du compositeur au chef, en passant la mise en scène et la Diva, chacun joue à cache-cache avec les conventions, et le chœur final cligne de l’œil du côté de Broadway !
A la tête d’un Orchestre National de Lorraine en formation réduite dans la première pièce, puis de façon plus étoffée pour Amélie va au bal, le chef français Cyril Diederich prend un plaisir évident à mettre en valeur les multiples richesses de cette musique, sur laquelle les modes et les années ne semblent pas avoir de prise. Il sait faire chanter son orchestre, tout comme il sait parfaitement accompagner ses chanteurs.
Le Téléphone / Amélie va au bal de Gian Carlo Menotti à l’Opéra-Théâtre de Metz (mars 2017)
Crédit photographique © Arnaud Hussenot
11 mars 2017 | Imprimer
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