C’est un grand succès public qu’a rencontré la dernière de Tosca à l’Opéra de Tours dans une nouvelle mise en scène très « classique » de Pier-Francesco Maestrini. L’homme de théâtre italien n’a pas cherché à moderniser l’intrigue de Sardou et décors comme costumes sont tous d’époque. Seul recourt à la modernité, l’utilisation de (très belles) projections vidéo sur un voile séparant la scène et la salle qui renvoient aux lieux de l’action : la coupole peinte de Sant’Andrea della valle au I, les fresques des frères Carracci du Palazzo Farnese au II ou la reproduction d’une peinture du XVIIIe représentant le Castel sant’Angelo au III. La proposition scénique convainc aussi par sa multitude de détails visuels qui donnent consistance à une intrigue plutôt sommaire, au plan de la justification psychologique des actions. La soirée est ainsi riche en moments forts, finement rendus : la perversion de Scarpia, la montée du désir de tuer chez l’héroïne, qui se sent acculée, ou le bref moment d’espoir fou qui rend le comportement des amants presque puéril, juste avant la macabre mise en scène de l’exécution. On l’a compris : Maestrini ne cherche pas à imposer une lecture « orientée » du drame - à l’instar de la récente production de l’ouvrage au festspielhaus de Baden-Baden (dans le cadre de son festival de pâques) -, mais s’ingénie à rendre plausibles et proches de nous des personnages qui sont, par essence, plus grands que nature.
Acclamée l’été dernier dans le rôle de Liù au festival de Peralada, la soprano mexicaine Maria Katzarava campe une flamboyante Tosca, et s’avère, forte d’une expérience et d’une santé vocale exemplaires, l’une des mieux à même de tenir aujourd’hui (alors qu'il s'agit d'une prise de rôle...) les furieuses volte-face de ce rôle immense : voix capiteuse, capable de chanter sur le souffle le fameux « Vissi d’arte », mais aussi de dégager ces aigus farouches d’animal blessé, aussi mortel que l’arme blanche qu’elle plante dans la gorge de Scarpia ! Même s’il est un Caravadossi impeccable, le ténor sicilien Angelo Villari ne parvient pas à conférer à son chant toute la richesse d’expression voulue par Puccini : admirable lorsque sa voix s’élance vers des aigus infaillibles dans « La vita mi costasse » ou « Vittoria ! Vittoria ! », il lui manque dans les duos avec Tosca ce phrasé voluptueux, et cette douce mélancolie qui lui font également défaut dans la romance « E lucevan le stelle ». Avec son timbre trempé dans le venin et la fourberie, le baryton letton Valdis Jansons installe avec force le pôle noir de l’ouvrage, même si son chant, recto tono, gagnerait à différencier les couleurs. Quant aux comprimari, ils remplissent tous leur tâche avec efficacité, avec une mention pour le Spoletta chafouin à souhait de Raphaël Brémard. Notons encore la très bonne tenue du Chœur de l’Opéra de Tours, fort bien préparé par son nouveau chef Alexandre Herviant, et plus qu'épaulé par la Maîtrise du Conservatoire Francis Poulenc.
A la tête de l’Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours, dont il est le directeur musical, Benjamin Pionnier offre une lecture vibrante, voire excitante sous certains aspects, du chef d’œuvre de Puccini. Soulignant à l’envi la somptuosité de l’écriture orchestrale, sans que ce souci ne prenne jamais le pas sur la cohérence de la démarche d’ensemble, le jeune chef français obtient des résultats particulièrement probants, telle que, au troisième acte, la magnifique conduite du célèbre « Adieu à la vie » de Caravadossi.
Tosca de Giacomo Puccini à l’Opéra de Tours (avril 2017)
Crédit photographique © Marie Pétry
29 avril 2017 | Imprimer
Commentaires